3) Les limites à la création monétaire

 Dans une économie comportant une seule banque, les crédits bancaires accordés resteraient en dépôt au sein de la banque et le pouvoir de création monétaire de celle-ci serait illimité ou plus exactement dépendrait de l’importance du circuit monétaire géré par celle-ci. Dans un système à plusieurs banques, il y a des limites spontanées, d’autres volontaires à la création monétaire des banques commerciales.

 

a) Le niveau de la liquidité bancaire limite la capacité de création monétaire des banques commerciales

 

1/ Du point de vue microéconomique, la multiplicité de banques créatrices de monnaie affecte la liquidité de chaque banque, limite sa capacité à accorder des crédits et à créer de la monnaie

 

a/ Chaque banque connaît des fuites hors de son propre réseau

- La clientèle demande la conversion d’une partie de ses avoirs en billets que la banque commerciale doit donc posséder en quantité suffisante

 

Pour effectuer les petits paiements, les agents économiques utilisent les billets. Ils demandent donc la conversion d'une partie de leurs dépôts à vue en billets à leur banque qui a obligation de les leur fournir. Or, les billets sont émis par la Banque centrale qui en a le monopole. Pour obtenir ces billets, la banque doit donc se les procurer auprès de la Banque centrale ou auprès d’agents prêteurs sur le marché interbancaire, afin de faire face aux demandes de la part des agents économiques d'une monnaie qu'elle n'émet pas. Les demandes de conversion en billets d'une fraction des dépôts à vue sont donc une des causes de fuite hors de son circuit.

 

Connaissant les habitudes de paiement de sa clientèle, la banque sait que les crédits accordés génèrent des dépôts et qu'une partie d’entre eux devront être convertis en billets : elle doit donc pouvoir disposer d'une quantité suffisante de billets en fonction des crédits accordés. La capacité d’une banque à accorder des crédits, donc à créer de la monnaie, est limitée par la valeur des billets de banque dont elle dispose.

 

 

- La clientèle d’une banque demande la conversion d’une partie de ses avoirs en monnaie émise par d’autres réseaux

 

Chaque banque est confrontée à des demandes, de la part de ses déposants, de conversion d'une fraction de leurs dépôts à vue en monnaie gérée par d'autres banques et d'autres institutions financières :

  • vers d’autres réseaux bancaires (chèque d’un client de LCL pour un client de la BNP)
  • vers le réseau du Trésor public (les CCP et les comptables du Trésor)
  • vers des institutions financières non bancaires.

 

Inversement, elle bénéficie de mouvements dans l’autre sens. Au total, les fuites nettes limitent la liquidité de la banque et donc sa capacité à accorder des crédits, et donc à créer de la monnaie.

 

 

b/ Un système de paiement est organisé permettant les transferts entre réseaux et garantissant la confiance : il repose sur l’utilisation de la monnaie centrale

Afin d’opérer les transferts entre circuits monétaires, chaque banque dispose d’un compte auprès de la Banque centrale

 

Les banques commerciales ont recours à un moyen de paiement commun unanimement accepté : la monnaie émise par la Banque centrale, ou monnaie centrale. Chaque banque détient un compte courant à la Banque centrale afin d'effectuer les règlements interbancaires. De la sorte, les paiements dans l'ensemble de l'économie sont organisées de façon hiérarchisée à deux niveaux :

 

  • Les créances et les dettes des agents non financiers sont centralisées par les banques commerciales et payées en monnaie bancaire
  • les créances et les dettes des banques sont centralisées à la Banque centrale et payées en monnaie émise par la Banque centrale, la monnaie centrale. Celle-ci est donc la monnaie ultime, le moyen ultime de règlement des dettes dans l'économie, une monnaie hiérarchiquement supérieure. Cela veut dire aussi que les règlements interbancaires s’opèrent sous l'égide d'une banque qui a un statut supérieur aux autres puisque la monnaie qu'elle émet est la seule à être universellement acceptée.

 

En assurant la convertibilité de toutes les monnaies bancaires « privées », elle les réduit à un dénominateur commun et assure l'unité de la monnaie nationale. Les différentes monnaies bancaires sont convertibles entre elles puisqu'elles doivent chacune se convertir en monnaie centrale.

 

La Banque centrale assure la compensation interbancaire. Le principe est de solder les créances et les dettes entre établissements financiers.

 

La masse de plus en plus considérable de règlements qui transitent entre les banques repose sur une organisation de plus en plus complexe afin de satisfaire les exigences d’efficacité et de sécurité. Chaque banque détient un compte courant auprès de la Banque centrale ; le mécanisme de la compensation est multilatéral, ce qui veut dire qu'un organisme commun (Chambre de compensation) s'interpose et se substitue aux créditeurs et débiteurs divers. Ainsi se dégage un solde global de chaque banque vis-à-vis de la Chambre de compensation, réglé en monnaie centrale via les comptes des banques. Cela limite les mouvements entre les agents financiers ainsi que les besoins en monnaie centrale.

 

Depuis le 1° janvier 1999 au sein de l’Eurosystème, les mouvements sont effectués en euro : la compensation effectuée par chaque Banque centrale nationale (BCN) se prolonge par des règlements entre BCN auprès de la BCE grâce au réseau TARGET mise en place par le SEBC, devenu TARGET 2 depuis novembre 2007.

 

c/ Finalement, chaque banque dépend de la monnaie centrale pour pouvoir accorder des crédits : sa capacité à créer de la monnaie est limitée par le montant de ses avoirs en monnaie centrale

 Chaque banque détient un compte courant à la banque centrale ; les avoirs sur ces comptes sont, par définition même, de la monnaie scripturale. Mais, à tout moment, la banque peut demander à utiliser ces avoirs sous forme de billets, exactement comme le font ses propres clients. En d'autres termes, les avoirs en compte courant à la Banque centrale sont des billets virtuels, potentiels.

 

Ainsi, la capacité des banques commerciales à distribuer des crédits et à créer de la monnaie dépend :

 

  • de la masse des billets de banque qu'elle détient
  • de ses avoirs en compte courant à la banque centrale.

 

L'ensemble de ces deux éléments s'appelle la monnaie centrale. La quantité de monnaie centrale possédée par les banques forme la liquidité bancaire, la base monétaire. C'est elle qui, en dernière analyse, limite de la capacité de création monétaire des banques commerciales.

 

Ainsi, les comptes courants de banques auprès de la Banque Centrale par lesquels circule la monnaie centrale permettent :

  • La conversion de la monnaie scripturale bancaire en billets
  • Le règlement des opérations de compensation des banques
  • La communication avec l’ensemble des monnaies étrangères grâce aux comptes que les institutions internationales ou étrangères détiennent à la Banque Centrale.

 

2/ Du point de vue macroéconomique, des opérations posent des problèmes de liquidité aux banques commerciales

Pour l’ensemble des banques commerciales, la liquidité bancaire, c'est-à-dire le montant des soldes des comptes des banques auprès de la banque centrale, varie globalement sous l'influence de divers facteurs.

 

On peut présenter les facteurs indépendants des comportements individuels spécifiques à chaque banque en distinguant les facteurs autonomes et les facteurs institutionnels de la liquidité bancaire.

 

- Facteurs autonomes

 

       Les besoins en billets

 

L’utilisation intensive des billets en circulation réduit la liquidité bancaire et augmente le besoin des banques en monnaie centrale.

 

Inversement, la diminution des paiements en billets au profit d’autres formes de circulation (chèque, carte,…) accroît la liquidité bancaire et réduit leurs besoins en monnaie centrale.

 

       Les besoins en devises (ou en or, à certaines époques)

 

Ainsi, les dépôts de devises de la clientèle auprès des banques commerciales entraînent la fourniture de monnaie domestique moyennant la vente de ces devises à la Banque centrale. Les comptes des banques commerciales auprès de la banque centrale se voient approvisionnés en monnaie centrale et la liquidité bancaire augmente.

 

Et inversement si les banques se procurent davantage de devises auprès de la banque centrale.

 

       Les opérations financières avec le Trésor public

 

La liquidité bancaire se dégrade lorsque les banques virent des fonds au profit de comptes CCP (gérés par le Trésor) ou achètent des Bons du Trésor : dans ce cas, de la monnaie centrale est débitée sur les comptes des banques auprès de la Banque centrale et symétriquement le compte du Trésor auprès de la Banque centrale est crédité en monnaie centrale.

 

Inversement, la liquidité bancaire s’améliore lorsque des transferts sont opérés par le Trésor public vers des comptes bancaires ou lorsque les banques vendent des bons du Trésor.

 

- Facteurs institutionnels

 

En plus des réserves qu’elles détiennent volontairement à la Banque centrale, les Banques ont l’obligation légale de constituer des « réserves obligatoires ». Il s’agit d’avoirs en monnaie centrale que les banques doivent impérativement laisser sur leur compte à la Banque centrale pour des raisons techniques.

 

Les réserves obligatoires sont déterminées en appliquant un « taux de réserve obligatoires » à l’assiette des réserves obligatoires, déterminée en référence à un ou plusieurs postes du bilan des établissements de crédit (ex : l’encours de crédits distribués).

 

Si la Banque centrale augmente le taux ou l’assiette des réserves obligatoires, la contrainte de liquidité des banques augmente : et inversement.

 

Facteurs de la liquidité bancaire

Amélioration de la liquidité bancaire

Dégradation de la liquidité bancaire

Facteurs autonomes

Besoins en billets

Moindre utilisation des billets par la clientèle

Recours accru aux billets par la clientèle

Besoins en devises

Achats de devises à la clientèle, ensuite revendues à la BC contre monnaie centrale

Fourniture accrue de devises à la clientèle, achetées à la BC contre de la monnaie centrale

Opérations avec le Trésor public

Versements du Trésor aux banques effectués en monnaie centrale et vente de bons du Trésor

Versements des banques au Trésor public en monnaie centrale et  achat de bons du Trésor

Facteurs institutionnels

Réserves obligatoires

Diminution du taux et/ou de l’assiette des réserves

Augmentation du taux et/ou de l’assiette des réserves

 

 

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