2/ Les exceptions aux principes du GATT

Par réalisme, l’accord admet des exceptions aux principes qui le fondent, en les délimitant strictement pour éviter des dérives.

 

a/ Exceptions temporaires (clauses de sauvegarde).

Un pays peut relever provisoirement ses droits de douane en cas de difficultés commerciales graves

  • difficultés conjoncturelles (difficultés graves de balance des paiements)
  • difficultés sectorielles (un secteur d’activité d’un pays mis gravement et brutalement en difficulté par la forte compétitivité des produits étrangers peut être provisoirement protégé)
  • réaction à des mesures protectionnistes prises par un partenaire (taxes de compensation)

 

b/ Exceptions permanentes

* Exception au principe de non-discrimination : le cas de l’intégration régionale, et son exemple le plus important alors la CEE (Traité de Rome, 1957)

En principe, l’existence des différentes formes d’intégration régionale est incompatible avec le principe de non-discrimination Elles reposent justement sur l’existence d’un traitement préférentiel entre pays membres, par rapport aux autres pays (les pays tiers).

Cependant, l’accord prévoit que de telles formes d’intégration sont autorisées dans la mesure où elles ne font pas obstacle au développement général des échanges internationaux.

Leur existence même représente un recul du protectionnisme, un progrès du libre-échange

Les pays membres de la zone régionale, en développant leur commerce international entre pays membres, se préparent, par la même occasion, à commercer avec le reste du monde. Ils peuvent constituer un pôle d’expansion des échanges. J. Viner a analysé à quelle condition une zone commerciale régionale est compatible avec les engagements du multilatéralisme : il faut la création de trafic induite par l’espace soit supérieure au détournement de trafic induit par ce même espace, création nette de trafic.

 

* Exception au principe de réciprocité : le cas des pays en développement

  Dans les années 1950 et au début des années 1960, on prend conscience de la spécificité des pays en développement (on dit à l’époque « pays sous-développés », Alfred Sauvy popularise le terme de Tiers-Monde par analogie avec le Tiers Etat de la Révolution française de 1789). Ils ne sont pas prêts : leur situation ne leur permet pas de s’insérer dans les échanges internationaux aux mêmes conditions que les pays qui disposent déjà d’un appareil productif efficace (interprétation dominante à l’époque : le retard).

 

En 1964, à la suite de la première réunion de la CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement), un amendement est apporté au GATT ; il prévoit que les pays en développement pourront bénéficier de la clause de la nation la plus favorisée sans pour autant être obligés d’appliquer le principe de réciprocité. Ils pourront continuer à protéger temporairement leurs activités. Ce traitement particulier est conçu comme une forme d’aide au développement dans un cadre coopératif.

 

c) Portée et limites


1/ Des réussites à son actif

  a/ Le GATT constitue un cadre de référence

C’est la première fois que la majorité des pays du monde se mettent officiellement d’accord pour affirmer que la liberté des échanges doit être le principe et pour adopter un code de bonne conduite auquel ils acceptent de se conformer. Même si l’application de l’accord a été souvent imparfaite, il a représenté le cadre de référence par rapport auquel les différents États se sont sentis obligés de se positionner et de se justifier.

b/ Un cadre de négociations qui a favorisé les progrès du libre-échange

Le GATT, simple accord, s’est doté d’un minimum de structures institutionnelles (secrétariat général, …). Il a été le cadre de négociations internationales (« rounds ») au cours desquelles les pays membres se sont consenti des réductions mutuelles de droit de douane. Le protectionnisme douanier a ainsi reculé.

c/ Les grandes négociations commerciales (Rounds) jusqu’à fin 60’s

Huit cycles de négociations (dites « conférences tarifaires ») peuvent être discernés : Genève (1947, en parallèle avec les négociations sur l'accord général); Annecy (1948); Torquay (1950-1951); Genève (1955-1956); le « Dillon Round » (1961-1962, du nom du secrétaire d'État au commerce américain) à Genève; le « Kennedy Round» (1964-1967) à Genève.

De plus en plus de pays ont pris part à ces négociations multilatérales: ainsi, on comptait 23 pays lors des négociations de Genève en 1947, 38 pour le Torquay Round, 62 pour le Kennedy Round, 102 pour le Tokyo Round, et 123 pour l'Uruguay Round dans les années 80 90.

 

2/ Limites

a/ Les limites inhérentes au contenu de l’accord : le protectionnisme monétaire est ignoré

L’accord, comme son nom l’indique, ne porte que sur les droits de douane (protectionnisme douanier).

On considère alors, en effet, que le problème du protectionnisme monétaire (dépréciation/dévaluation) a été réglé en 1944 par les accords de Bretton Woods (stabilité des changes sur le marché grâce à une marge de fluctuation ; limitation à la manipulation du taux officiel [dévaluation]). La fixité du change doit permettre d’éviter le retour aux guerres monétaires des années 1930 : la monnaie ne peut plus être utilisée comme une arme commerciale.

 

Cette fixité du change ne résiste pas à la crise du système monétaire international du début des années 1971 : le flottement des monnaies devient la règle au plan mondial (de fait : 1973, puis officiellement (accords de la Jamaïque, 1976). La porte est à nouveau ouverte à l’utilisation du taux de change à des fins protectionnistes. Le problème du protectionnisme monétaire reste entier, au moins au niveau mondial

Les pays européens, entre eux, s’efforcent de l’éviter en coopérant de manière monétaire : Serpent monétaire, SME puis adoption de l’euro.

b/ Les limites inhérentes à la nature de l’accord : absence d’institution pour le faire respecter

Spontanément, les participants à un accord de coopération ne sont pas portés à respecter l’accord (risque du passager clandestin).

Il est donc indispensable pour garantir la pérennité d’un accord de coopération que les parties contractantes acceptent la mise en place d’une institution dotée de pouvoirs suffisants pour les obliger à respecter l’accord et pour résoudre les litiges qui ne manqueront pas de surgir dans son application.

 

Par sa nature même, le GATT ne peut jouer ce rôle : il n’est qu’un simple accord. D’où la multiplication, malgré les grandes négociations, de mesures unilatérales de protectionnismes donc de conflits, en nombre malgré tout limité.

La création de l’OMC en 1995 tentera de combler cette insuffisance.

 

4) Remarques sur les années 70

La crise (1970’s) voit la remontée d’un protectionnisme non tarifaire mais sans remettre en cause la volonté d’un cadre multilatéral aux échanges.

 

a) Les différents pays occidentaux restent officiellement fidèles aux principes du libre-échange

Ils se sont engagés par leur adhésion au GATT et leur participation aux grandes négociations internationales (« rounds ») qui en sont issues, à réduire progressivement leurs droits de douane. Cela leur interdit, pour faire face à la crise, de recourir au protectionnisme traditionnel (protectionnisme douanier, tarifaire [hausse des droits de douane] ou non tarifaire [contingentement]) : il se sont engagés à ne pas recourir à des mesures unilatérales comme cela s’est fait durant la dépression des années 1930.

 

Durant la période de crise des années 1970, on assiste même au lancement d’un nouveau cycle de négociations visant au le recul du protectionnisme tarifaire (poursuite de la baisse des droits de douane [cf. « Kennedy round »]) : le « Tokyo round » (1973 – 1979). Les partenaires exprimèrent la volonté d'harmoniser les tarifs douaniers, et surtout de prendre en compte le protectionnisme non tarifaire, qui croissait de manière préoccupante. La réduction tarifaire réalisée est d'environ 35 %, les pays ayant des tarifs plus élevés les abaissant plus fortement que les autres.

Une fois encore, les protections sur les produits agricoles et sur les produits sensibles - produits textiles, cuir, chaussures - sont peu touchées par ces réductions. Sur la question des barrières non tarifaires à l'échange, qui croissent de façon importante, rien ne semble pouvoir être fait dans l'immédiat.

 

 

Attention !  Pas de cours le mardi 13 mars 2012 : je suis à Paris pour le jury du concours de l'Agrégation de sciences économiques et sociales.

 

Rendez-vous le mardi 20 mars.