En Europe, l’échange intra industriel est pour une grande part un échange de gamme : un échange de produits de même stade de finition mais de valeurs unitaires très différentes.

Dans le commerce mondial, la progression de l’échange intrabranche est essentiellement liée :

  • à une croissance de l’échange de gamme entre pays développés
  • à l’échange vertical de produits décomposés (encore appelé commerce de fragmentation). C’est sur ce dernier qu’il faut s’appesantir.

2/ La spécificité du commerce de fragmentation, lié à la production modulaire

Le commerce de fragmentation (échange vertical de produits décomposés) donne lieu à un commerce de biens intermédiaires destinés à être utilisés comme consommations intermédiaires dans la production . Il représente 40% du commerce mondial en 2008.

Il progresse avec la diffusion de la production modulaire, Il est issu de la décomposition internationale des processus productifs (DIPP,  B. Lassudrie-Duchêne), au travers des réseaux de filiales ou de sous-traitants.

Un des chocs du commerce mondial réside dans la transformation de la nature du commerce des pays émergents et en particulier ceux d’Asie. Dans leurs échanges, la part du commerce de fragmentation augmente très rapidement. Pour la Chine, il représente 20 % de son commerce manufacturier en 1990, mais 64% en 2000 ; l’Indonésie de 5% à 30% ; la Thaïlande de 36% à 73%, la Malaisie de 42% à 69%. C’est en Asie qu’il progresse le plus vite sous l’impulsion de la Chine.

 

3/ Le commerce intrafirme au sein des FMN est croissant

Le commerce international s’organise de plus en plus au sein des FMN entre ses différentes composantes. Ce commerce intrafirme qui s’effectue selon des prix de cession internes (prix de transferts établis de manière à minimiser l’impôt à payer tout au long de la chaîne productive internationale) représente plus de la moitié des échanges entre pays de l’OCDE et un tiers du commerce mondial.

Échanges commerciaux et IDE apparaissent nettement complémentaires.

 

b) Le progrès technique : TIC et coûts de transports

Les TIC ont permis le développement de certains services à l’exportation et ont permis une meilleure gestion du flux logistique. Les coûts de transports sont devenus négligeables dans les coûts unitaires.

Il n’est pas sûr que les questions d’énergie et de développement durable ne viennent pas s’inviter dans les choix de production et d’échange et ne poussent pas à une reterritorialisation partielle de certaines productions : cela se manifesterait par une contraction des échanges qui ne serait pas le signe d’une récession mais la traduction dans les coûts d’une tarification plus complète de l’acte de transport (internalisation d’externalités négatives liées au transport).

 

c) Des choix nationaux ont amené de nouveaux partenaires à s’insérer dans la division internationale du travail (DIT)

Le fait marquant pour nombre de pays en développement est le changement radical dans la conception du rôle du commerce international dans les stratégies de développement. De nombreux pays ont renoncé aux stratégies de remplacement des importations et entrepris une libéralisation de leur régime commercial. Leur insertion dans la division internationale du travail a contribué à accroître les échanges.

 

d) L’organisation des échanges et la politique commerciale convergent vers plus de libre-échange coopératif (négociations GATT puis OMC (1995))

 

3) Le système commercial international : du renforcement du multilatéralisme au développement d’accords préférentiels commerciaux

La période est marquée par deux points :

  • Le renforcement du multilatéralisme
  • La montée du régionalisme commerciale qui se transforme récement en le  développement d'"accords préférentiels commerciaux"

Ces deux phénomènes a priori compatibles (argumentation Viner) deviennent peu à peu substituts au risque de remettre en cause le cadre multilatéral péniblement construit depuis des années.

 

a) Le renforcement du multilatéralisme

Le nombre de nations signataires des accords du GATT n’a cessé de croître depuis sa création 24 en 1948, 83 en 1975, 116 en 1993, 149 au moment de la création de l’OMC (1995) et 153 en mars 2010.

 

1/ L’Uruguay round (1986 - 1993) : dernier cycle de négociation dans le cadre du GATT

a/ Les Etats-Unis font pression pour l’ouverture d’un nouveau round de négociation afin d’essayer de régler leurs problèmes commerciaux

Le déficit commercial s’accroît fortement. Au milieu des années 1980, le taux de couverture des importations par les exportations n’est plus que des deux tiers (= les États-Unis n’arrivent plus à financer que les deux tiers de leurs importations par leurs recettes d’exportation).

L’explication, selon les Américains, est double :

  • Une explication conjoncturelle : la surévaluation du dollar qu’ils souhaitent corriger
  • Une explication plus structurelle : les États-Unis s’estiment victimes du protectionnisme des autres pays : sont particulièrement visés le Japon et la CEE (PAC, aéronautique, services).

Ils font pression pour que s’ouvre un nouveau cycle de négociations.

Officiellement, ils avancent l’argumentation qu’une progression du libre-échange sera profitable à tous. En fait, ils ont une attitude plutôt mercantiliste : leur objectif, c’est d’exporter le plus possible, c’est de régler leurs problèmes au détriment des autres.

 

b/ Les objectifs au programme des discussions

Il y a d’un part des objectifs généraux

  • supprimer les formes de protectionnisme non tarifaire (et poursuite pour le tarifaire, GATT)
  • créer une organisation mondiale, le GATT n’étant pas une assemblée permanente

 

Il y a d’autre part des objectifs sectoriels

  • L’agriculture. Il s’agit de libérer les échanges agricoles.
  • L’industrie. Il s’agit de contribuer à la réduction des obstacles tarifaires et non tarifaires ce qui est plus nouveau. Le protectionnisme reste important dans certaines industries sensibles :
  • Aéronautique : problèmes des aides publiques, directes ou indirectes, qui peuvent être considérées comme des subventions à l’exportation
  • Textile : les industries des pays d’industrialisation ancienne sont protégées de la concurrence des NPI par un accord d’autolimitation (l’accord multifibres, 1974)
  • Les services. Les échanges internationaux concernant les services se sont développés : transports internationaux, assurance, services financiers, services d’expertise (audit), télécommunications, logiciels informatiques, programmes audiovisuels, publicité, …
    • Dans les années 1980, beaucoup de services sont protégés : leur fourniture sur le territoire de chaque pays est généralement réservée aux entreprises domestiques ou bien elle est limitée en quantité (exemple : quotas musicaux ou cinématographiques).
    • L’objectif est d’étendre le libre-échange aux services. Or, le GATT ne concerne que le commerce des biens. Les Américains poussent fortement à l’extension aux services car ils sont les premiers producteurs de services et leur capacité d’exportation bute sur les mesures protectionnistes qu’ils voudraient faire abolir, en particulier dans le domaine de la culture.

c/ Les résultats de l’accord de l’Uruguay round

On pensait, en 1986, que le cycle de négociations serait vite terminé mais c’était sans compter sur les frictions qui opposent Américains et Européens sur les dossiers de l’agriculture et des services culturels. Au final :

  • Les accords généraux
  • L’amélioration de l’accès au marché : les obstacles tarifaires sont diminués d’un tiers en moyenne (Ils étaient déjà assez faibles, 7%).
  • La création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) [cf. infra]
  • Les accords sectoriels
  • L’agriculture : les signataires (donc les Américains et les Européens) s’engagent sur les principes suivants :

o Accès plus large aux marchés nationaux : toutes les protections non tarifaires doivent être converties en droits de douane (principe de transparence). Les tarifs douaniers doivent être réduits d’un tiers sur 6 ans.

o Les différentes aides à l’agriculture doivent être réduites de 20 % sur 6 ans. Elles peuvent être maintenues si elles sont versées en contrepartie d’efforts de réduction de la production (par exemple, terres mises en jachère) ou de mesures de protection de l’environnement.

Ces principes servent de base à une importante réforme de la PAC (1992)

Le protectionnisme agricole des pays riches est réduit mais il ne disparaît pas pour autant. Par conséquent, un problème identique se reposera lors de la négociation du cycle suivant (Doha) entre les pays riches et les pays du sud disposant d’une agriculture très compétitive (spécialement le Brésil).

  • L’industrie

o Dans l’aéronautique, l’accord est très limité (subventions réduites mais de nombreuses exceptions).

o Dans le textile, le principe du démantèlement de l’accord multifibres sur 10 ans est acté .

  • Les services : l’accord sur la libéralisation progressive des services (GATS : accord général sur le commerce des services) est passé. Il se borne à énoncer des principes généraux (« accord cadre »). Il doit servir de base pour des négociations spécifiques dans les années suivantes (télécommunications, services financiers, …). Les Européens ont finalement adopté la position française (« exception culturelle): ils refusent l’intégration des services culturels dans le GATS mais les E-U ne renoncent pas pour l’avenir.