B. L’évolution récente

1) Les inégalités sociales

Depuis les années 1980, les inégalités ont eu tendance à s’accroître à l’intérieur des différents PED, sous l’influence de deux facteurs.

a) L’ouverture commerciale : elle ouvre la hiérarchie des rémunérations

Approche par catégories :

- entrepreneurs :

  • émergence de fortunes personnelles colossales : certains entrepreneurs, qui savent exercer leur activité dans un domaine porteur, judicieusement choisis, accumulent rapidement des richesses considérables
  • à l’opposé : dégradation de la situation des entrepreneurs qui ne savent pas ou ne peuvent pas faire face à la concurrence internationale. Cas des petits paysans mexicains

- travailleurs salariés : les travailleurs qualifiés, travaillant pour l’exportation, relativement rares dans de nombreux pays, connaissent des progressions de salaires beaucoup plus rapides que les travailleurs non qualifiés, nombreux donc en concurrence forte entre eux.

 

Synthèse : selon une étude récente de la Banque mondiale (septembre 2003), de 1990 à 1999, pour l’ensemble des pays en développement,

  • le revenu du 1 % de la population le plus riche dans chaque pays a progressé de 11 % par an en moyenne
  • le revenu du 1 % de la population le plus pauvre n’a progressé que de 3 % par an en moyenne

b) Les programmes d’ajustement structurel imposés par les organisations financières internationales (FMI, Banque mondiale)

À partir des années 1980, l’enjeu de la dette devient crucial pour de nombreux PED.

Les institutions internationales, influencées par les idées néolibérales qui dominent de nouveau dans les pays du nord (« consensus de Washington »), imposent des programmes « d’ajustement structurel » en contrepartie de leur aide financière. Ils sont inspirés par une vision négative du rôle économique et social de l’État, en particulier dans son rôle protecteur des plus faibles (« État-providence »). Pour ces institutions, les services publics gérés par l’État, les différentes aides sociales sont autant de facteurs de déficit budgétaire, et plus largement, de lourdeurs, d’obstacles à la compétitivité, qui empêchent ces pays d’être performants à l’exportation, donc de gagner des devises leur permettant ensuite de rembourser leurs dettes, et, à terme, de ne plus avoir à s’endetter.

 

Les mesures structurelles que le FMI ou la Banque mondiale imposent en contrepartie de leur aide se traduisent donc par un recul de l’action des services publics (privatisations, restrictions budgétaires) et de la protection sociale, dont pâtissent en premier lieu les catégories de la population les plus fragiles : les inégalités de fait s’accroissent.

2) Les inégalités villes-campagnes

Elles se sont accrues du fait que la progression générale des échanges profite surtout aux zones qui sont tournées vers l’exportation (villes, zones côtières).

Le phénomène est particulièrement net en Chine : développement fulgurant des grandes villes de la côte est (Shangaï, en particulier), sous-développement des campagnes.

 

3) Les inégalités entre hommes et femmes

Il y a des signes d’amélioration et de réduction des inégalités (voir en particulier la tendance générale au progrès de l’instruction pour les filles).

Mais il y a des contre exemples. En particulier le retour en force de conceptions inégalitaires de la relation homme-femme là où l’intégrisme musulman gagne en influence, dégrade la situation des femmes et provoque un recul dans la voie du développement (sous-utilisation du capital humain du pays).

Les pays développés ont connu ces situations avec d’autres religions : femmes et instructions, femmes et élections…

 

4. Rappel : les inégalités internes dans les pays développés

 

Rappel du cours de 2010-2011 disponible sur le site web avec détails et graphiques à l'appui.

 

A. Une tendance longue à la réduction des inégalités de revenus jusqu’aux années 1980 dans les pays de l’OCDE

1) Constat : une réduction tendancielle des inégalités de revenus

Le profil d'évolution des inégalités dans le très long terme révèle quasiment partout un déclin très important de la concentration des revenus primaires au cours du premier XX° siècle, puis une relative stabilité entre 1945 et le début des années 80.

Dans l'ensemble des pays considérés, la concentration des revenus ainsi mesurée a fortement chuté entre 1915 et 1945 : elle a été divisée en moyenne par 5 au cours de la première moitié du siècle dernier, ce qui est considérable. Les évolutions historiques demeurent toutefois marquées par des spécificités nationales fortes : l'Allemagne, par exemple, n'a pas fait l'expérience d'une compression massive de la concentration des revenus entre 1925 et 1945, et la part des revenus les plus élevés s'est donc maintenue après guerre à des niveaux sensiblement supérieurs à ceux des autres pays européens.

 

2) Les explications

Le XX° siècle est celui de la fin des rentiers. A la veille de la 1° GM, le sommet de la hiérarchie des revenus était dominé par des revenus du patrimoine extrêmement concentrés, et leur poids dans l’économie nationale était considérable. En France, le centile supérieur des revenus est ainsi passé de plus de 20% du revenu total des ménages à environ 7-8% en 2000.

Cette fin des rentiers s’explique par le fait que les patrimoines sont devenus nettement moins concentrés que par le passé. En France, les 1% des successions les plus importantes représentaient plus de 50% du patrimoine total en 1900, contre moins de 20% aujourd’hui.

 

L’explication tient dans les chocs des guerres et surtout le jeu des impôts progressifs.

  • Destructions physiques de capital lors des deux guerres mondiales dans certains pays, faillites d’entreprises durant la crise économique des années 1930, élagage des patrimoines par l’inflation avec la guerre.
  • Mais ce sont les impôts progressifs qui ont le rôle clé. L’impôt progressif sur le revenu est une création de la fin XIX°, début XX° siècle. En France, il n’existait pas d’impôt sur le revenu avant 1914 (J. Caillaux) et l’impôt sur les successions n’était que de 1% tout au long du XIX° siècle. Il s’agissait donc de conditions idéales pour accumuler des fortunes considérables.

Les taux marginaux monteront d’impôt sur les revenus parfois jusqu’à 90 % !

 

La fin des rentiers est donc due à des circonstances historiques particulières et surtout à des institutions spécifiques.

 

B. Depuis les années 1980, des mouvements marqués différenciés

1) Constat : un accroissement contrasté des inégalités de revenus

a) Les observations font ressortir une situation paradoxalement stable

1/ Les rapports interdéciles sont relativement stables

Le rapport interdécile correspond à D9/D1. C’est le ratio entre la valeur moyenne du décile des plus hauts revenus et la valeur moyenne du décile des plus bas revenus.

Le ratio pour les États-Unis montre une augmentation sur les années 1980 et une stabilité relative depuis : cela contraste avec les impressions que nous pouvions avoir.

Il en va de même pour les autres pays comparables. Ce résultat est troublant mais bien réel. Il baisse même en France !

 

2/Le partage revenus du travail / revenus du capital est stable et inopérant pour rendre compte des évolutions actuelles

Le partage revenus du travail / revenus du capital est stable : on est sur la ligne de partage des exposants des fonctions de Cobb-Douglas : 1/3 pour le capital, 2/3 pour le travail.

Cette stabilité macroéconomique s’observe dans tous les pays sur longue période, et elle était déjà considérée par J.M. Keynes comme la régularité la mieux établie de toute la science économique.

France :

 

Est-ce à dire qu’il n’y a pas d’augmentation des inégalités de revenus ?