Economie de plateforme

 

Uber, Airbnb, Meetic, Wikipédia : etc. Ces structures posent des questions quant à la dématérialisation de relations économiques et sociales.

 

On parle de plus en plus de plateformes ces dernières années à propos de ces structures.

 

Qu’est-ce, quelles sont les caractéristiques ? Est-ce nouveau ? Quels sont les enjeux ?

 

1. Un essai de définition

Que désigne-t-on au juste par cette expression ? L’encyclopédie partagée Wikipedia fait-elle partie de cette économie au même titre qu’Uber ou Deliveroo ? Quid des plateformes de crowdfunding ou de streaming ? Ou encore de toutes les plateformes offrant à leurs utilisateurs des espaces d’échanges publics et/ou privés (réseaux sociaux, sites de rencontre, forums d’échange, etc.) ?

 

A. Il faut trier dans les notions voisines

 

1) L’économie des plateformes telle qu’on cherche à la cerner ici, peut être vue en première approximation comme un sous-ensemble de l’économie collaborative

Nous avions vu en 2015-2016 dans le cadre du cours sur l’ESS (cf. archives sur le blog) l’arrivée de l'économie collaborative au début du XXI° siècle. Motivations éthiques, écologiques, sociales : Systèmes d’échange locaux (SEL, rencontrés dans les monnaies alternatives en début d’année), Associations pour le maintien dans l’agriculture paysanne (AMAP), covoiturage –(BLABLACAR)

 

 L’économie collaborative est une économie dans laquelle les modèles communautaires, participatifs et distribués transforment l'ensemble des activités économiques, de la production à la distribution des biens et des ressources, en passant par les services et styles de vie collaboratifs.

 

On parle d'économie de pair à pair (peer-to-peer) comme une économie privilégiant les échanges horizontaux entre égaux les pairs, éventuellement sur Internet. On parle d'économie de la fonctionnalité, économie privilégiant l'usage à la possession, où l'on vend des services plutôt que des produits (des kilomètres de pneus plutôt que des pneus). Une économie du partage, de l’accès (J. Rifkin).

 

Cette économie procède de nouveaux modes de production de la valeur par des modalités d'échanges inédites et de nouvelles formes d'organisation du travail ; la mutualisation de moyens et l'organisation horizontale des usagers citoyens en réseaux ouverts ou en communauté la caractérisent. Ces pratiques sont très variées et en évolution constante.

 

L’économie collaborative englobe toutes les plateformes digitales, qu’elles permettent d’échanger des informations ou des ressources privées, d’organiser la production et la vente de services, de référencer des petites annonces ou de co-produire des ressources publiques ou encore co-financer des projets.

 

Deux éléments sont communs à cet ensemble hétérogène :

  • la mise en relation entre de nombreux individus, de façon directe, qui semble se substituer en partie à la relation d’échange traditionnelle entre une structure de production (entreprise, association) et un consommateur ou usager.
  • le caractère « numérique » lié à l’essor des TIC. Avec l’essor des technologies de l’information et de la communication (TIC), la mise en relation entre les individus est devenue beaucoup plus facile, à une échelle beaucoup plus grande

 

Deux grandes directions :

  • Cela a favorisé le développement des modèles collaboratifs non marchands tels que celui des « communs » [modes de production et de gestion de ressources fondés sur la coopération et l’éthique qui privilégient la valeur d’usage des ressources (c’est-à-dire leur intérêt pour les individus et les collectivités) plutôt que leur valeur d’échange (leur valeur telle qu’elle est fixée sur un marché)] . C’est particulièrement le cas dans le domaine de la connaissance partagée, illustré par la communauté deslogiciels libres et par les projets de la Wikimedia foundation (Wikipedia, Wiktionary, Wikidata, etc.).
  • Dans le même temps, des entrepreneurs se sont saisis des opportunités offertes par la révolution numérique et les modèles collaboratifs et ont développé de nouveaux modèles d’affaires marchands, fondés sur des valeurs et des modes de fonctionnement parfois très éloignés de ceux de l’économie du partage

 

2) Il semble ainsi nécessaire de distinguer – et donc de nommer différemment – les deux segments de ce que l’expression actuelle d’économie collaborative a tendance à englober.

D’un côté, « l’économie du partage », la « peer-to-peer economy » (Economie de pair à pair), désigne des modèles économiques reposant sur le partage et/ou la production d’actifs (matériels ou immatériels) dans des relations « de pair à pair ». La confiance, l’égalité des statuts, la coopération, les motivations non marchandes, l’usage responsable des ressources y sont considérés comme des valeurs essentielles. Pour certains même, l’économie collaborative ne s’incarnerait qu’au travers de ce segment d’économie du « partage », héritage direct de l’économie sociale et solidaire. Le coeur de cet ensemble est constitué de plateformes non marchandes, mais celui-ci s’étend aux plateformes marchandes reposant sur des relations « P2P » (peer to peer) plutôt que « B2C » (business to consumer) ou « B2B » (business to business) : brocantes en ligne, plateformes de covoiturage, services marchands de transport entre particuliers.

 

De l’autre côté, l’économie des plateformes de biens et services marchands, que l’on cherche à analyser plus spécifiquement, regroupe des structures productives marchandes organisant la production de biens et services de manière triangulaire, entre des producteurs indépendants et des consommateurs, et jouant un rôle de tiers qui ne permet pas des relations de pair à pair. Si l’aspect « collaboratif », et même, selon les cas, l’attachement à la convivialité et à la confiance via les échanges restent présents, c’est davantage dans le discours et l’imaginaire de ces entreprises – qui se réfèrent parfois à l’existence d’une « communauté » – que dans la réalité des échanges entre plateformes, travailleurs et clients.

 

Il faudrait alors utiliser une autre appellation : « plateformes de biens et services marchands » pour désigner les plateformes à but lucratif jouant un rôle de tiers actif entre offreurs et demandeurs d’un bien ou d’un service. Le terme « économie des plateformes » se référera quant à lui sans distinction à l’ensemble des plateformes sur lesquelles s’échangent des biens, des services, des informations et autres actifs immatériels.