2) L’interdépendance entre les Hommes n’est pas seulement marchande : les monnaies alternatives le font peut-être mieux ressortir

 A la suite des travaux de K. Polanyi (supra, La grande transformation, 1944), on peut parler d’échange entre les hommes selon quatre formes d’interdépendances que mobilisent peut-être davantage les monnaies alternatives.

 

  • Le principe de marché : un mouvement de va-et-vient où le transfert d’un produit requiert le transfert inverse d’une équivalence. Cette équivalence est basée sur le système des prix exprimés en unités monétaires
  • Le principe de réciprocité : cela renvoie à une distribution des produits où une organisation des tâches entre individus ou groupes où l’on retrouve la triple dimension donner, recevoir, rendre. M. Mauss parle du temps indéfini des actions réciproques et l’absence de recherche d’une égalité mathématique et la possibilité de construire des actions réciproques impliquant plus de deux agents
  • Le principe de redistribution : un mouvement de collecte puis de réinjection d’une ressource par une organisation centralisatrice qui peut être associée à une autorité politique (ex :la redistribution impôts cotisation transferts dans le cadre de la protection sociale)
  • Le principe de partage communautaire : il s’agit de l’organisation du partage d’une ressource commune entre les membres d’une communauté dont les limites sont clairement définies, par la distribution de la ressource (« biens communs » ex la gestion de l’eau dans des oasis sahariennes)

 

La monnaie n’est donc pas confondue avec le marché.

 

3) Les finalités des monnaies alternatives

Pourquoi créer des monnaies supplémentaires par rapport aux monnaies souveraines existantes ? On peut recenser trois familles de motivations :

 

  • Dynamisation et transformation des rapports sociaux et économiques : accélérer l’échange social en augmentant la dimension conviviale et le lien social, amortir les effets de crise, valoriser des activités créatrices de richesse mais pourtant négligées (entraide, compétences individuelles partagées), promouvoir les productions éthiques et soutenables.
  • Une contestation de l’ordre monétaire : la dimension de la création de monnaies alternatives n’est pas toujours reconnue par les acteurs eux-mêmes. Le terme monnaie heurte parfois (référence au troc), les banques de temps.

Il s’agit d’une critique pratique en essayant de construire une autre organisation monétaire sur d’autres bases.

  • Une construction communautaire : c’est un objectif en tant que tel, avec la construction de valeurs qui délimitent ce qui est bon à travers des règlements et des chartes. D’où un processus participatif qui peut sembler bien lourd mais qui est souvent au centre du dispositif. C’est en moyenne deux ans pour la maturation des projets type 4. Les membres sont initiateurs, constructeurs et bénéficiaires du dispositif. D’où la nécessité de former les nouveaux membres pour ne pas qu’ils soient de simples usagers d’un projet déjà construit.

 

 4) Les fondements critiques des monnaies alternatives : un grand éclectisme

Le registre anticapitaliste : une opposition à la domination de la propriété du capital, introduisant la rareté et où la monnaie est accumulée. Il s’agit d’imaginer des dispositifs qui se passent de la monnaie et se construisent à côté de l’économie monétaire existante.

  • Le courant associationniste de R. Owen dans les années 1830, socialiste non marxiste. Bourses équitables du travail sur la base d’heures travaillées, valorisation sur le temps de travail sont les ancêtres des banques de temps.
  • Des auteurs qui posent le problème de la thésaurisation de la monnaie et ses effets dépressifs, non circulation de la monnaie. Cela alimente les réflexons en termes de monnaie fondante, où la non circulation de la monnaie est taxée (Gesell)