b) Les cryptoactifs

Les cryptomonnaies n’en sont pas (cf.supra) : ce sont des crypto-actifs hautement spéculatifs. La valeur est très instable, 95% des bitcoins sont entre les mains de 2.5% des acheteurs de bitcoins.

 

 

L’idée a séduit les libertariens, anarcho-capitalistes et autres cyberpunks. La référence à Hayek est présente. Une « société » (Hayek refute l’existence de cette entité, comme M. Thatcher « There is no such thing as society ») sans centre, une pure « société de marché » ou le lien social est de nature économique et non plus politique (Hobbes, Montesquieu) ou moral (Durkheim). Une « démocratie de programmeurs ». (lire p9 du P. de Filippi)

 

 

La question de la rareté de certains crypto actifs (l’émission de bitcoins est prévue décroissante et tendant vers zéro en 2140 renvoie au débat classique sur la nature de la monnaie.

  • Les tenants de la monnaie rare (néoclassqiues au sens large) dans la tradition quantitativiste ne reconnaissent que les deux premières fonctions de la monnaie (unité de compte et instrument de règlement des échanges) ; La troisième, réserve de valeur, non : la monnaie ne serait pas détenue pour elle-même.
  • Les tenants de l’analyse de l’économie monétaire (Keynes, Schumpeter, … ) intègre les trois fonctions, la monnaie est non rare, crée par les banques commerciales.

 

Remarque : une économie croissant à 2% l’an avec des prix stables suppose un rythme de croissance nette de la masse monétaire au sens strict de 5% ; en dessous-on a des risques de déflation.

 

 

De plus, une monnaie pourrait-elle n’avoir que la fonction de règlement des échanges, sans être unité de compte (et peu ou pas réserve de valeur), c’est-à dire n’avoir qu’une fonction sur les trois ?

 

 

La monnaie, comme les monnaies de souveraineté -euro, dollar, £, etc.) constituent la liquidité par excellence puisqu'elle permet d'acquérir n'importe quel bien ou service, n'importe quand, n'importe où. Elle est dite alors « porteuse de choix » mais elle n'est réserve de valeur que si elle reste stable. La monnaie devient alors, selon l'expression de Keynes, « un lien entre le présent et l'avenir ».

 

 

Conclusion provisoire sur les monnaies alternatives en général

 

Les monnaies alternatives expriment la recherche d’une démocratie plus participative. On l’a vu dans les six premiers groupes, du point de vue de leurs participants dans le septième !

Mais elles participent d’une hypermonétarisation des relations sociales. Ce n'est pas le moindre des paradoxes.

 

En quoi est-il nécessaire de de créer des monnaies pour revivifier le lien social, promouvoir un changement de pratique de consommation, soutenir une économie de proximité ? Faut-il monétariser encore plus de rapports sociaux ? Ne faudrait-il pas plus parler avec son voisin de pallier ?

 

Elles s’inscrivent dans certains cas dans une logique ultralibérale à la Hayek, parfois de façon consciente et parfois de façon inconsciente, jusqu’à participé à un petit capitalisme des pauvres (J. Powell).

 

Michaël Sandel (What Money Can’t Buy. The Moral Limits of Markets, New York, Farrar, Straus and Giroux, 2013), professeur de philosophie politique à Harvard.

La marchandisation laisse des marques. Elle transforme les fondamentaux de la générosité, de l’amitié ou de la citoyenneté. Cela aboutit à la « corrosion des valeurs ». Critique des libertariens et des libertaires, Sandel se félicite de vivre dans une économie de marché (= pas une économie de commandement centralement planifiée), gage d’efficacité. Il se défie d’une société de marché.

 Economie de marché / société de marché ?