c) L’amélioration des conditions de déclaration et de recouvrement

À la différence de la plupart des pays européens qui pratiquent le prélèvement à la source, la France conserve un système matérialisé par une déclaration annuelle de revenus. La seule courte expérience française de prélèvement à la source remonte à 1940. Les tentatives dans les années 50 et 60 ont se sont toujours heurtés aux résistances du patronat, des salariés et d'une partie de l'administration. Aujourd'hui ce dossier revient sur le devant de la scène, sa complexité provenant de l'originalité française de l'imbrication entre politique familiale et système d'imposition.

 

Pour pallier l'absence de retenue à la source, l'administration n'a eu de cesse depuis des années 70 d'améliorer les conditions de paiement de l'impôt. En 1971, avec le travail salarié et le paiement mensuel du salaire, la possibilité de paiement mensualisé de l'impôt sur le revenu est introduite. De manière à garantir des rentrées fiscales tout au long de l'année pour l'administration et réduire le délai entre le moment où le contribuable dispose d'un revenu et celui où il devra payer l'impôt qui en découle. Avec l'introduction de l'électronique, la signature électronique des documents devient possible leur dématérialisation également. En 2001,1 portail Internet offre aux contribuables d'accès personnalisé à leur compte fiscal intégré ouvrant la voie à une déclaration en ligne. On peut y faire des simulations interactives de son imposition, rendant celle-ci plus prévisible et éventuellement plus acceptable.

 

La diffusion des nouvelles technologies a également induit de profonds bouleversements dans l'organisation de la collecte de l'impôt. Expérimentée en 2005, la déclaration pré-remplie remplie a été généralisée l'année suivante ; pour inciter les contribuables à ses usages, des délais supplémentaires ont été offerts, des abattements également.

 

Actuellement, ces procédures sont en phase de généralisation, les exceptions d'usage tendant à être de plus en plus limitées. Cela n'ira peut-être pas sans souci avec certaines catégories de population pour lesquelles l'usage des procédures numériques reste problématique.

 

Citons également la redevance audiovisuelle pour laquelle le recouvrement a été adossé à celui de la taxe d'habitation en 1900 en 2005 : cela a simplifié la collecte de la taxe et a renforcé la lutte contre la fraude.

 

2) La complexité de l’impôt, paradoxal support du consentement

Pour de nombreux spécialistes de l'impôt, l'accessibilité et la lisibilité des règles fiscales ont toujours été les conditions de leur acceptation par le plus grand nombre. Dans cette perspective, l'administration diffuse depuis les années 70 des notices explicatives, des brochures des dépliants destinés à clarifier les obligations de chaque contribuable.

 

Mais, parallèlement, les gouvernements successifs ont régulièrement répondu aux doléances formulées par les groupes les plus influents en multipliant les cas d'exonération, d'exemptions et de régimes spéciaux. Pour rendre l'impôt plus acceptable, ils n'ont ainsi jamais cessé d'élargir les possibilités de s'y soustraire tout en continuant à accumuler les nouvelles formes de prélèvement. Ce faisant, ils ont aussi rendu le système d'imposition de moins en moins lisible, au risque d'accréditer l'idée que la complexité prélèvement peut aussi être utilisée comme un moyen de mieux les faire accepter.

 

a) Une perception biaisée de la réalité fiscale

La plupart des contribuables ont une perception biaisée du poids des prélèvements ou de leur répartition entre les différentes catégories de revenus : l'accumulation de réformes depuis un siècle a contribué à masquer la possibilité d'une évaluation globale de l'impôt.

 

L’opacité qui entoure les impôts indirects (qualifié par A. Thiers à la fin du XIX° siècle de « corne d'abondance » pour l’État) n'est pourtant pas inéluctable : aux États-Unis par exemple, les prix affichés ne tiennent pas compte des taxes qui sont ajoutées au moment de la facturation en caisse, ce qui conduit les consommateurs à ressentir plus douloureusement le poids de ces prélèvements. En France, les impôts indirects sont moins visibles alors qu'ils représentent environ 30 % des prélèvements obligatoires et la moitié des impôts

 

C'est également l'accroissement des prélèvements sociaux opérés par voie fiscale qui a contribué à brouiller la frontière entre impôts et cotisations sociales. Traditionnellement, on distingue ce qui relève des impôts - payés par tous les contribuables et nous aurons aucun droit spécifique à prestations - et ce qui relève des cotisations sociales qui ont été historiquement construites par les partenaires sociaux comme un salaire différé. La création de la contribution sociale généralisée en décembre 1990 a remis en cause la frontière entre ces deux blocs : depuis, le poids de cet impôt prélevé à la source est destiné à financer les dépenses sociales n'a cessé de cours à croître, tandis que celui de l'impôt sur le revenu diminuer au point de représenter qu'une faible part des ressources fiscales de l'État.

 

Cette portion congrue réservée à l'impôt sur le revenu résulte également pour partie de la baisse du nombre de foyers imposables notamment en raison du mécanisme de la décote consistant à réduire l'impôt lorsque son montant est inférieur à un certain seuil ; mais elle provient également de la multiplication des niches fiscales, c'est-à-dire de tous les moyens par lesquels une partie des ressources perçues échappe à l'impôt : exonération, abattements catégoriels, déduction du revenu imposable… C’est sous la houlette de V. Giscard d’Estaing que les mesures dérogatoires ont commencé à se multiplier (Ministre des Finances de 1962 à 1966 et de 1969 à 1972, Président de la République de 1974 à 1981).

 

La complexité de la matière fiscale est source d'inégalité car la très grande majorité des contribuables n'a pas les moyens de faire appel à un avocat ou un expert fiscaliste. L'accent mis dans les années 90 sur les relations avec l'usager a permis d'y remédier partiellement ; le développement d'Internet a élargi les possibilités de s'informer donnant parfois l'illusion que la technique fiscale devenait accessible à tous. En réalité, la complexité de certaines situations particulières rend nécessaire un suivi individualisé auquel une infime minorité de contribuable a accès. Il ne faut cependant pas perdre de vue que pour nombre de contribuables, les formalités fiscales restent extrêmement simples du fait du caractère extrêmement banal des situations prend en compte.

 

Mais cette situation alimente la perception réelle ou fantasmée d'une grande complexité et d'une inégalité face à l'impôt.

 

Au début des années 1980, c’est la création d’un impôt sur le patrimoine. Apparu dans les idées au XIX° siècle, il entre dans le débat politique dans les années 1920. Exceptionnel à la sortie de la 2°GM, il apparaît sous le forme de l’Impôt sur les grandes fortunes (IGF). De nombreuses exonérations, supprimé en 1986, il est réinstauré en 1988 avec l’ISF, « lié » au RMI. Plafonné, il le sera encore plus avec le bouclier fiscal à partir de 2007.

 

b) Les soucis liés à la fiscalité locale

La décentralisation engagée en 1982 et le transfert de compétences qu'elle a induit ont eu pour conséquence une augmentation du montant des impôts locaux. D’autant que l’État central a souvent délégué des compétences sans que les financement suffisants suivent. Cette envolée s'est accompagnée d'un creusement des inégalités entre contribuables, concernant un dispositif dont les règles de calcul demeurent des plus opaques.

 

La dernière révision des bases locatives remonte à 1973 : ce sont toujours ces valeurs qui servent de référence à un impôt de plus en plus lourd pour les contribuables.

 

La persistance d'un système déclaratif dans une matière mal contrôlée rend possible de nombreux illégalismes jamais sanctionnés : modifications non signalées des permis de construire, terrasses subrepticement transformées en surface habitable, combles aménagés en pièces supplémentaires, garages non déclarés. En l'absence de révision des bases locatives, tous ces écarts à la règle ont accentué les inégalités d'un contribuable à l'autre.

 

Les différences de taux s'expliquent aussi par la superposition des collectivités locales impliquées : régions, départements, communautés de communes et communes votent leur taux, sans que le contribuable ait véritablement conscience de ce qu'il verse à chaque entité.

 

Pour pondérer cet impôt appliqué indépendamment du revenu, les pouvoirs publics ont mis en place un dispositif complexe d'abattements et de dégrèvements en faveur des contribuables, souvent les plus modestes.

 

Dans l’ensemble, le poids de la fiscalité locale s'est donc beaucoup accru depuis le début des années 1980 mais la succession de dispositifs d'allégements et d'exonérations a contribué à masquer la répartition des contributions entre les ménages, les entreprises et l'État. Cette opacité a largement accentué l'impopularité de la fiscalité locale, d'autant plus que les contribuables n'ont pas toujours conscience des dépenses qu'elle couvre.

 

 

Pas de cours le mardi 31/01 : je suis retenu avec mes étudiants : à bientôt.