2) L'économie alternative est à la fois distincte de l'économie sociale de l'économie solidaire

L'économie alternative est à la fois distincte de l'économie sociale et de l'économie solidaire.

  • Elle partage l'utopie alternative de l'économie sociale mais en refuse l'institutionnalisation,
  • Elle partage la démarche de projet de l'économie solidaire mais offre une résistance à la reconnaissance et au soutien de l'État et du marché.


L'économie alternative s'inscrit en effet dans une tradition de projet alternatif et de rejet institutionnel. Elle trouve son ancrage contemporain dans la démarche des communautés néo-rurales de la fin des années 1960 et du début des années 1970. Si la majorité des communautés postérieures au mouvement de mai 68 étaient sans doute trop radicalement alternatives pour vivre durablement, elles ont trouvé leur prolongement dans une économie alternative qui se réfère à l'utopie créatrice et revendique la possibilité d'une autre voie de développement fondé sur l'autogestion, la solidarité et l'autonomie.

Ainsi, l’économie alternative est née en France dans la mouvance d’après-68, de la cristallisation de plusieurs mouvements contestataires.

  • Tout d’abord les mouvements de la fin des années 60, contestant la société de consommation supposée aliéner les personnes (cf Mai 68 en France, mais aussi les mouvements anti-consuméristes nord-américains) . Les revendications de liberté, d’épanouissement, de globalité de la société s’opposent au désenchantement, à la perte de sens, à l’ennui de La société de consommation (J. Baudrillard, 1970).
  • Les mouvements pacifistes exprimés aussi bien en Europe de l’Est par le Printemps de Prague ou aux USA dans des collectifs anti-guerre au Vietnam. En Europe, ces mouvements soutiennent les premières tentatives de désobéissance civile et la revendication du droit à l’objection de conscience.
  • Les mouvements d’émancipation des femmes : par exemple, le refus des allemandes de « Kindern, Kirsche, Küche » ou le débat sur le droit à l’avortement et à la contraception mais aussi le droit des femmes « à travail égal / salaire égal » et l’accès à la création d’entreprises.
  • La remise en cause de la notion de croissance et de développement. Elle prend appui aussi bien sur les travaux de chercheurs internationaux comme le club de Rome (1967), que sur les interrogations des tiers-mondistes sur la notion de développement (F. Partant, S.Latouche…). Constats renforcés par la fin des Trente glorieuses dans les pays du Nord et les revendications émergentes des pays du Sud.
  • Des Mouvements paysans et de développement local, qui revendiquent le retour à la terre, à la proximité. Cf le slogan de « Vivre et travailler au pays »… et du « Small is beautiful».
  • Les luttes urbaines portées par les habitants qui se révoltent comme le gigantisme; la paupérisation des quartiers d’habitat social, à Roubaix (1975), dans la banlieue lyonnaise (Minguettes, 1982). Mais aussi contre le racisme (« marche des beurs »).
  • Des groupes syndicalistes contestataires, des mouvements politiques d’extrême gauche, diverses sensibilités écologistes qui déplorent les dégâts du progrès, le gaspillage des ressources naturelles et humaines (Green Peace, Amis de la Terre). Des mouvements antimondialistes devenus altermondialistes dans les années 1990.


C’est dans ce contexte que se crée, en 1981, l’ALDEA. (Agence de Liaison pour le Développement de l’Economie Alternative). Aldea veut dire «petit village” en Catalan ;ce qui indique bien le rejet du modèle de concentration capitaliste, et une certaine aspiration au retour à la proximité, à la micro-initiative. « Un monde où chacun retrouve liberté de conduire son destin et participe à l’économie de son environnement » (Patrice Sauvage, fondateur de l’ALDEA).

  • Épargne solidaire avec les clubs d'investissement pour une gestion alternative de l'épargne solidaire (CIGALES)
  • mouvement d'échanges réciproques de savoirs et de services avec les systèmes d'échanges locaux (SEL)
  • Réseau d'échange de pratiques alternatives solidaires (REPAS) qui réunit plusieurs dizaines d'entreprises, essentiellement associatif des coopératives.


On affirme volontiers que l'économie sociale est fréquemment l'aiguillon de l'État et du marché. On peut également affirmer que l'économie alternative est fréquemment un aiguillon de l'économie sociale.
Si l'on voit bien que l'économie alternative est également solidaire, les approches théoriques de l'économie alternative et de l'économie solidaire sont très différentes, voire opposables dans les relations qu'elles définissent avec l'État. L’économie alternative rejette l'institutionnalisation et la tutelle de l'État.



Conclusion partielle


1) L’économie sociale et solidaire (ESS) de ce début de XXI° siècle apparaît donc comme l’héritière de l’économie sociale (XIX°), de l’économie solidaire (depuis les années 1980) et de l’économie alternative (depuis les années 1960). Elle est consacrée en France par la loi du 31 juillet 2014.

2) L’ESS représente une part importante de l’activité économique et sociale

  • 10% de l’emploi en France, 2.3 millions de salariés, 223 000 établissements employeurs, 58 milliards d’euros de rémunérations brutes versées.
  • Ainsi 40 millions de Français bénéficient d’une mutuelle de santé, 22 millions sont sociétaires d’une banque coopérative, 21 millions sont sociétaires d’une mutuelle d’assurance, 13 millions sont bénévoles dans des associations, plus d’1 Français sur 4 adhèrent à une association.
  • Associations (78.2%), coopératives (13.2%), mutuelles (5.6%) et fondations(3.1%)

 

Pwpt Panorama ESS aujourd'hui.pdf
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Ceci représente l’économie sociale au sens strict.

 

 Mais en même temps que l’ESS rencontre une nouvelle reconnaissance en ce début de XXI° siècle, la notion se complexifie :

  • La loi ESS élargit la définition aux nouvelles pratiques de l’entrepreneuriat social (§3)
  •  Le phénomène de l’économie collaborative bouscule l’ESS (§2).