c) Les principes de l’économie sociale

Globalement, aux particularités près, selon l’Insee, "En France, l’économie sociale est définie comme le regroupement des structures économiques qui partagent des principes fondateurs définis dans une Charte de l'économie sociale, publiée en 1980 et actualisée en 1995 par le Ceges (Conseil des entreprises employeurs et groupements de l'économie sociale).

  • Le fonctionnement démocratique : les décisions stratégiques se prennent en assemblée générale selon le principe "une personne = une voix", quel que soit son apport.
  • La liberté d’adhésion des membres : nul ne peut être contraint d’adhérer ou de demeurer adhérent d’une structure de l’économie sociale.
  • La non-lucrativité individuelle : Ce principe n’interdit pas la constitution d’excédents financiers – les coopératives, les mutuelles, et certaines associations disposent d’excédents importants –, mais il en interdit l’appropriation individuelle.
  • L’utilité collective ou l’utilité sociale du projet : Une structure de l’économie sociale est nécessairement au service d’un projet collectif et non d’un projet conduit par une seule personne dans son intérêt propre.
  • La mixité des ressources : Les ressources de ce champ sont multiples. Elles peuvent être privées, publiques ou mixtes.


Responsabilité (ou volontariat), égalité, solidarité et autonomie sont les valeurs cardinales de l’économie sociale.


Le principe de « la double qualité » est au centre de l’organisation : les acteurs sociaux qui constituent les bénéficiaires de l’action entreprise sont également les sociétaires. Dans une coopérative de production, les salariés sont les sociétaires ; dans une mutuelle, les mutualistes sont à la fois assurés et assureurs ; dans une association, les bénéficiaires sont également membres.
Ce principe est parfois moins incontournable dans certaines formes qui rejoindront l’économie sociale historique dans l’ESS.


B. L’ESS : héritière de l’économie solidaire du dernier quart du XX° siècle


1) L’économie solidaire : un objet contemporain lié au mal de son époque

L'économie solidaire puise ses racines dans l'économie sociale, et s'est développée durant les années 70 dans un contexte marqué par la crise et la recrudescence du chômage à partir des années 1980.
Elle vise à répondre aux besoins des populations fragiles par des modes de production alternative et solidaire, mettant plus en avant la réduction des inégalités que l'accumulation du profit.


L'économie solidaire est directement liée à son objet privilégié : les associations intervenant dans les services de proximité, l'insertion par l'économique à partir de la fin des années 70 et au début des années 80.
L'essor de la solidarité à partir des années 70 répond au processus de disqualification sociale provoquant l'exclusion et accroissant les inégalités (S. Paugam, La disqualification sociale : essai sur la nouvelle pauvreté, 2000). Alors que la pauvreté dans le monde occidental au cours des Trente Glorieuses est reliée à la surexploitation du travail ouvrier, la nouvelle pauvreté qui apparaît à la fin des années 70 provient d'une situation d'exclusion du monde du travail. L'exclusion remplace la surexploitation pour désigner la pauvreté, même si cette nouvelle situation ne réduit pas la précédente. Mais alors que dans une société marquée par la lutte des classes par le compromis fordiste (gains de productivité contre progression du pouvoir d’achat), les ouvriers "surexploités" pouvaient se syndiquer, utiliser si besoin l'arme de la grève pour se défendre, les nouveaux pauvres n'ont aucun moyen d'action : les corps intermédiaires institutionnels ne les intègrent pas, ils font face à des situations de détresse inédite. Leur désaffiliation, selon le terme de R. Castel (Métamorphoses de la question sociale, 1999), les rend dépendants d'un tiers solidaire, constitué d’une partie des classes intermédiaires et supérieures. Après les premières expérimentations des entreprises intermédiaires, qui deviennent ensuite les entreprises d'insertion, les premières régies de quartier, les associations intermédiaires, les permanences d'accueil information et d'orientation des missions locales voie le jour grâce à l'investissement de l'État de nouvelle politique d'action sociale.

 

Cet ensemble de nouvelles pratiques désigne initialement le terme d'économie solidaire. L'économie solidaire décrit les personnes engagées, les militants des professionnels, qui s'engagent collectivement dans le champ économique et social en faveur de l'intégration économique et sociale, généralement avec le soutien des pouvoirs publics.
(cf. JF DRAPERI, Dunod)