2) L’unification monétaire européenne


a) Le système monétaire européen (SME, 1979-1999)

A En 1979, les pays de la CEE adoptent un système monétaire qui leur est propre : le Système Monétaire Européen (SME). C’est le prolongement du système mis en place en 1972 par l’accord de Bâle (le « serpent  monétaire européen») [cf. supra].


1/ Présentation du SME

Rappel : avec l’Accord de Bâle (1972, le Serpent monétaire européen), les pays membres de la CEE se sont imposé des règles de stabilité du change entre leurs monnaies (régime de change fixe) afin que le « marché commun » puisse fonctionner malgré le contexte de forte instabilité monétaire qui se développe au plan mondial.
Atteindre une telle stabilité du change implique le respect prioritaire des objectifs de stabilité des prix (désinflation) et d’équilibre extérieur, donc une politique avant tout de stabilité, voire de rigueur).
Avec la crise naissante et les entrées et sorties du Serpent, les déconvenues de ce système conduisent, en 1979, à mettre en place un système que l’on veut mieux adapté à la situation : le SME (Système Monétaire Européen). Il a un objectif de change plus réaliste et prévoit des mécanismes de coopération entre États membres.
 

* Une monnaie commune : l’ECU (« European Currency Unit »)
Dès 1969, l’ECU avait été créé comme une simple unité de compte commune utilisée pour chiffrer certaines opérations entre pays-membres, en particulier celles qui étaient liées au fonctionnement de la PAC. Cette monnaie ne remplissait donc qu’une seule des trois fonctions d’une monnaie (simple instrument de mesure de la valeur).
En 1979, on étend le rôle de l’ECU : sa fonction d’instrument de mesure, c’est-à-dire d’unité de compte, est renforcée : il devient la base de calcul des taux de change des monnaies européennes entre elles.

  • La valeur de l’ECU est une moyenne pondérée de la valeur des différentes monnaies européennes : c’est une monnaie composite, ou monnaie-panier.
  • Le taux officiel d’une monnaie (son « taux-pivot ») est exprimé en ECU.

En outre, les banques centrales participant au SME peuvent désormais utiliser l’ECU, à côté des monnaies nationales, pour leurs règlements entre elles et pour constituer leurs réserves monétaires.
 

* Un régime de changes fixes [113.121] mais ajustables
Le taux de change sur le marché doit rester dans une bande de fluctuation de + / - 2,25 %  : réalisme et ambition
Au sein du SME, une monnaie, sur le marché des changes, doit se maintenir à l’intérieur d’une bande de fluctuation (ou marge de fluctuation) de + / - 2,25 %  par rapport à son taux officiel (taux pivot).
C’est un objectif réaliste : la marge étroite de + / - 1,125 % adoptée à Bâle en 1972 s’est avérée trop difficile à respecter pour la plupart des pays concernés. Avec le SME, on adopte donc une marge deux fois plus large. De plus, à titre provisoire, on adopte un dispositif encore moins exigeant pour certaines monnaies fragiles (lire, livre).
C’est en même temps un objectif ambitieux : alors que, au plan mondial, on a cédé aux facilités des changes flexibles (flottement des monnaies en mars 1973, officialisé par les accords de la Jamaïque, en 1976), et que l’instabilité monétaire est très forte, les Européens, eux, se donnent un objectif exigeant de stabilité monétaire, avec les contraintes que cela suppose sur la régulation interne de leur économie (exigence de stabilité des prix, d’équilibre extérieur, de taux d’intérêt suffisamment élevés pour être attractifs ).

Pour y parvenir, on renforce un instrument de coopération déjà existant : le FECOM.
En 1973, au moment de l’abandon des changes fixes au niveau mondial, les pays européens avaient créé le FECOM (Fonds Européen de Coopération Monétaire), chargé de venir en aide aux pays éprouvant des difficultés à maintenir leur monnaie dans la marge de fluctuation. Le FECOM, à l’origine, était simplement chargé de coordonner la coopération bilatérale qui existait de Banque Centrale à Banque Centrale.
En 1979, on décide de renforcer le rôle du FECOM en en faisant un instrument de coopération multilatérale (on monte d’un degré dans la coopération) : les pays membres du SME s’engagent à remettre au FECOM 20 % de leurs réserves en or et en devises. Ce qui permet à cet organisme commun (multilatéral) d’aider directement un pays membre en difficulté.
En somme, le FECOM est une sorte de FMI au plan européen (mais attention, de même que le FMI, il n’est pas une banque centrale : il n’émet pas de monnaie).


*  Chaque taux de change officiel est ajustable
Par réalisme, on admet le droit, pour un pays en grande difficulté, de recourir à la dévaluation : si un pays subit un déséquilibre chronique de la balance courante donc si sa monnaie se déprécie fortement, au delà de la marge autorisée et s’il ne peut ou ne veut régler le problème par un ajustement interne (par exemple, une politique de rigueur), il peut dévaluer sa monnaie (« ajustement externe »).
Symétriquement, en cas d’excédent courant chronique, il peut la réévaluer. On dit que les taux pivots sont « ajustables ».
Mais le système se veut coopératif en ce sens qu’une modification de la parité ne peut se faire qu’avec l’accord des autres membres du SME. En clair, l’adhésion au SME implique le refus de dévaluations fortement compétitives, de dévaluations « agressives », comme durant les années 1930.