2/ Le processus d’unification monétaire

Pour les différents pays concernés, adopter une monnaie unique présente des contraintes fortes. D’où la nécessité de ne leur permettre d’entrer dans l’union monétaire que s’ils se sont suffisamment.
Le Traité de Maastricht (1992) créé l’Union européenne : la suppression de l'adjectif « économique» est significative de la volonté de s'acheminer vers une Europe politique. Il comprend deux volets : un volet politique (définition d'une politique étrangère et de sécurité, coopération dans la justice et les affaires intérieures, citoyenneté européenne, renforcement des pouvoirs du Parlement, création d'un Comité des Régions) et un volet économique (création d'une monnaie unique, l'euro).
Globalement, le passage à l'Union économique et monétaire (UEM) comprend trois phases.

  • La première phase (1990-1993) est consacrée à la mise en place du cadre structurel à la réalisation de l'euro: libre circulation des capitaux en Europe, ouverture du grand marché unique, interdiction du financement monétaire des déficits publics. (Rappel : C’est en fait la dernière phase de l’achèvement du Grand marché intérieur suite à l’Acte unique).
  • La deuxième phase (1993-1998) doit permettre le rapprochement progressif des données macroéconomiques des pays candidats : c’est le mécanisme de la convergence. Durant cette deuxième phase, les banques centrales deviennent indépendantes.
  • Au cours de la troisième phase (1999-2002), le système européen des banques centrales (SEBC), comprenant la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales nationales, entre en fonction. La monnaie unique est créée et les parités entre les monnaies européennes sont fixées de façon irrévocable. Au 1° janvier 2002, les pièces et les billets en euros circulent conjointement avec les monnaies nationales qui disparaissent le 1° juillet 2002. Ne subsiste plus alors que l’euro qui se substitue aux monnaies nationales disparues.

a/ En matière monétaire, la solution retenue par le Traité est que chaque pays doit se rapprocher progressivement de la situation des pays les plus performants en matière de stabilité et d’équilibre (« convergence »)

Chaque pays doit converger vers les pays les plus performants
Dans le principe, la stratégie globale adoptée par le traité de Maastricht repose sur l’idée que la situation des différents pays candidats à l’union monétaire doit se rapprocher de celle des pays qui atteignent le mieux les grands équilibres macroéconomiques qui assurent la stabilité de la monnaie nationale, c’est-à-dire qui leur permettent de ne pas avoir besoin de dévaluer pour résorber des problèmes graves.
Tous les pays candidats doivent « converger » vers ces pays de référence, afin que, le moment venu, leurs monnaies, qui se fondront en une seule, soient toutes des monnaies stables, ou devenues stables. Dans ce cas, aucun pays candidat, ne risquera, par ses déséquilibres (inflation, déficits importants), de déstabiliser l’ensemble ainsi constitué.

Des critères sont nécessaires. Il faut pouvoir vérifier qu’au moment de la mise en place de la monnaie unique, les différents pays candidats réalisent effectivement les performances qu’on attend d’eux, et qu’en particulier ceux d’entre eux qui étaient coutumiers de déséquilibres graves (inflation forte, dévaluations répétées, déficits extérieurs et budgétaires chroniques et importants) ont changé leurs pratiques.
Pour cela, le traité de Maastricht établit 5 critères de convergence, quantifiés, qui permettront de vérifier que la convergence aura été effectivement réalisée.

Présentation des 5 critères de convergence que tout pays candidat à la monnaie unique doit satisfaire

Trois critères directement liés à la politique monétaire et financière

  • Taux d’inflation : il ne doit pas dépasser de plus de 1,5 point le taux d’inflation des trois pays membres ayant le taux d’inflation le plus faible.
  • Taux d’intérêt à long terme : il ne doit pas dépasser de plus de 2 points le taux d’intérêt à long terme des trois pays membres ayant le taux d’inflation le plus faible. (attention, la valeur de référence, ici encore, est le taux d’inflation).
  • Taux de change : le pays doit être membre du SME (il doit avoir adhéré au régime de changes fixes). il doit en avoir respecté les règles : sa monnaie doit être à l’intérieur de la marge de fluctuation depuis 2 ans au moins.


 Deux critères directement liés à la politique budgétaire

  • Déficit budgétaire : son montant annuel ne doit pas dépasser un montant équivalent à 3 % du PIB du pays pour l’année concernée (approche en termes de flux). Si son déficit dépasse ce seuil, le pays doit manifester une volonté nette de le réduire, de le rapprocher de ce taux.

 

Deux remarques importantes : le traité interdit de recourir à la création monétaire pour financer le déficit budgétaire (éviter tout financement inflationniste). La règle des 3 % prévue par le traité en 1992 sera renforcée en 1996 par la signature d’un pacte de stabilité budgétaire (cf. infra)

  • Dette publique : son encours ne doit pas dépasser un montant équivalent à 60 % du PIB. (encours : montant à un moment donne [approche en termes de stock]). Ici également, si l’endettement dépasse ce seuil, le pays doit manifester une volonté nette de le réduire, de le rapprocher de ce taux.


Justifications des critères (d’autant plus qu’ils continuent de s’appliquer une fois que les pays participent à la monnaie unique)

  •  Un différentiel d’inflation faible est la garantie fondamentale de la stabilité du change pour des raisons réelles (compétitivité-prix => équilibre courant) (PPA relative, BTC) et pour des raisons financières (inflation faible => pas de fuite devant la monnaie du pays, se traduisant par sa dépréciation)
  • La faiblesse des taux d’intérêt à long terme indique la confiance des opérateurs des marchés financiers dans cette monnaie.
  • Le respect de la marge de fluctuation du SME concrétise la capacité à assurer la stabilité du change, donc à en assumer le caractère irrévocable lors de l’adoption de la monnaie unique.


Les deux derniers critères, concernant la politique budgétaire, sont liés également au taux de change ; ils mesurent le degré de conformité des politiques nationales aux principes de l’orthodoxie financière : équilibre budgétaire ou, du moins, déficit budgétaire limité et endettement public limité

Remarques sur la nature des critères :
Ce sont des critères qui ignorent la convergence dans son aspect réel : croissance et emploi en sont les parents pauvres. Deux arguments sont avancés : pour les uns, la croissance et l’emploi ne sont pas l’objet du processus d’unification monétaire. Pour les autres, il n’y a pas à s’en préoccuper directement : ceux ci découleront indirectement de l’assainissement des économies imposé par la convergence : on reconnaît-là l’influence des idées néoclassiques.
La convergence se fait selon des stratégies très faiblement coopératives : le traité prévoit bien quelques mécanismes de coopération, d’entraide entre pays, notamment par la création, à côté des fonds communautaires déjà créés, d’un fonds de cohésion…   mais, l’action de ce fonds est de portée limitée. Pour l’essentiel, c’est à chaque pays de prendre les mesures rigoureuses d’ajustement interne qui s’imposent pour converger vers les pays les plus performants, quitte à ce qu’elles jouent défavorablement sur l’activité et sur l’emploi à court terme (politiques de rigueur => récession), à long terme (le processus de convergence dure plusieurs années). Croissance et emploi en pâtissent.