3. Perspectives d’évitement de la déflation ou de lutte contre elle

A. Les enseignements de l’histoire face à des situations similaires

1) Le désendettement doit être mesuré de manière à ne pas enclencher de déflation par la dette (Fisher)

Une réduction trop rapide du déficit public alimentant la progression de la dette peut être pire que le problème initial et aggraver la crise, voire provoquer la déflation.

Cela ne dispense pas d’agir en réduisant les gaspillages, quitte à réallouer les sommes à des actions plus efficaces.

 

2) La politique monétaire ne doit pas être restrictive

Lors de la crise de 1929, les banques centrales ont contracté le crédit provoquant une aggravation de la crise (déflation provoquée ajoutée à la déflation spontanée de la crise d’alors). Ce sont avec le mirage du protectionnisme les deux causes non pas de la crise mais de la dépression qui a suivi dans les années 30.

Il s’agit d’aider les acteurs en difficulté à passer le mauvais cap dans la mesur où leurs activités ont ordinairement rentables : il ne s’agit pas de sauver tout le monde à tout prix. Une activité dépassée économiquement ne peut être maintenue artificiellement sans dommage à terme pour la société.

 

3) La baisse des prix ne permet pas un rééquilibrage automatique de l’économie.

Au XIX° siècle, et durant l’Entre-deux guerres, la croyance de certains auteurs néo-classiques était dans le fait que la baisse des prix redonnerait du pouvoir d’achat domestique) aux acheteurs et améliorerait la compétitivité prix des produits domestiques à l’exportation : ces deux effets devaient dynamiser la demande globale et absorber la production excédentaire en cas de surproduction ou dynamiser l’offre globale. (Effet d’encaisses réelles, A. C .Pigou, années 20)

Certains proposaient même au cas où le mécanisme ne jouerait pas spontanément ou pas assez fort de provoquer une baisse supplémentaire des prix (déflation provoquée qui s’ajouterait à la déflation spontanée) ! Face à l’inefficacité et au carnage provoqué par ces politiques, elle furent progressivement abandonnées dans les années 30 non sans résistance. Le théoricien de leurs ravages fut Keynes, qui théorisa d’autres actions

 

(modification des anticipations des agents pour ne pas remettre à demain les achats que l’on pourrait faire le jour même – cf. son Discours radiodiffusé exhortant les ménagères à sortir faire des courses pour se faire plaisir et relever le pays).

 

« Il y a aujourd'hui beaucoup de gens qui, voulant du bien à leur pays, s'imaginent qu'épargner plus qu'à l'ordinaire est la meilleure chose que leur prochain et eux-mêmes puissent faire pour améliorer la situation générale. S'ils s'abstiennent de dépenser une proportion plus forte que d'habitude, ils auront aidé les chômeurs, croient-ils. Et s'ils sont membres de conseils municipaux ou de County Councils (1), ils croient que la ligne de conduite à adopter à l'époque présente, c'est de s'opposer à toute dépense qui irait à de nouveaux chantiers de travaux publics ou à l'amélioration du confort collectif.

Or, en certaines circonstances tout cela serait parfaitement juste, mais dans la situation actuelle c'est malheureusement faux de point en point. Rien ne peut être plus nuisible ni malavisé. C'est une croyance qui est aux antipodes de la vérité. En effet la fonction de l'épargne est de rendre une certaine quantité de travail disponible pour la production de biens d'équipement, tels que maisons, usines, routes, machines, etc. Mais si un surplus important de chômeurs est déjà disponible pour des emplois de ce genre, le fait d'épargner aura seulement pour conséquence d'ajouter à ce surplus et donc d'accroître le nombre des chômeurs. En outre, tout homme mis en chômage de cette manière ou pour toute autre raison provoquera, à son tour, un chômage accru parmi les travailleurs qui auraient produit ce qu'il n'a plus les moyens d'acheter. Et c'est ainsi que la situation ne cesse d'empirer en un cercle vicieux.[ ]

Car ce qu'il nous faut maintenant, c'est non pas nous serrer la ceinture, mais nous mettre en humeur de ranimer expansion et activité, ce qu'il nous faut, c'est agir, acheter des choses, créer des choses. Tout cela est le bon sens le plus évident assurément. En effet, prenons le cas-limite. Supposez que nous allions économiser la totalité de nos revenus et cessions de rien dépenser du tout. Eh! bien, tout le monde serait en chômage. Et avant longtemps nous n'aurions plus de revenus à dépenser. Personne n'en serait plus riche d'un sou et, pour finir, il ne nous resterait plus qu'à mourir de faim, ce que nous aurions bien mérité pour avoir refusé de nous acheter des choses les uns aux autres et de prendre mutuellement notre linge à laver, car c'est ainsi que nous vivons tous. Et on peut en dire autant, avec plus de raison encore, du travail des collectivités locales.

Par conséquent, ô ménagères patriotiques, sortez dès demain matin dans les rues, et dirigez-vous vers ces ventes réclames miraculeuses qui se trouvent annoncées à tous les coins. Vous vous ferez du bien à vous-mêmes car jamais les choses ne furent aussi bon marché, (…) Et réjouissez-vous par surcroît à la pensée que vous favorisez la main-d'oeuvre, que vous enrichissez le pays, car vous redonnez de la vie à de grands centres d'activités et l'espoir au Lancashire, au Yorkshire et à Belfast.

(I) Collectivités locales d'une importance essentielle pour la vie politique et administrative de la Grande-Bretagne. (N. d. T.).

J.M. KEYNES (allocution radiodiffusée, 1931), Essais sur la monnaie et l'économie, Payot 1971

 

4) Des mesures structurelles d’ordre réglementaire peuvent être prises dans ce contexte

L’action à court terme n’empêche pas de conduire des réformes de portée de moyen long terme en accompagnement.

L’exemple du New Deal de Roosevelt dans les années 1930 est important, non pas pour les grands travaux dans la vallée du Tennessee même si cela préfigure des relances par l’investissement public, mais pour l’œuvre réformatrice dans le social, l’organisation des marchés, les réglementations bancaires, la fiscalité.

 

B. Pour aujourd’hui face aux risques éventuels de déflation

1) Politique réglementaire

Des exemples pour préparer le moyen terme :

  • Les professions réglementées et la captation de rente.
  • La réforme administrative (de la simplification des formalités à celle de l’organisation politique).
  • L’amélioration de l’efficacité des services publics : usage acru des TIC, chasse aux doublons, …

Etc…

 

2) La politique monétaire

Expansionniste elle l’est, et elle l’a été depuis plus longtemps qu’on ne le dit dans l’UEM.

Aujourdh’hui, situation de « trappe à la liquidité » : la baisse des taux est arrivée au bout de ses possibilités

La politique non conventionnelle via les quantités (quantitative easing) est vraisemblablement au bout de ses possibilités.

Ce sont les projets qui manquent, ou tout du moins leur réalisation, compte-tenu d’un contexte déprimé ( cf. anticipation et Keynes).

 

3) La politique budgétaire

De manière isolée, une relance est impossible compte-tenu de la situation budgétaire des pays membres.

Seule une action concertée au niveau européen pourrait avoir du sens : les allemands prennent conscience doucement que leur modèle de croissance est insoutenable et ils rejoignent progressivement l’idée d’une relance d’investissements collectifs d’intérêt communautaire.

La relance concertée centrée sur des projets d’intérêt communautaire : transition énergétique, infrastructures de transport et de communication

Un effet de substitut à court terme et d’entraînement à moyen terme de la dépense privée (casser les anticipation dépressives)

Les questions : la volonté politique, le financement, le choix de l’intérêt des projets.

 

 

Prochain épisode : les annonces de la Commission demain 26 novembre

A suivre…  mais fin de ce thème.