B. Le rôle-clé des réformes institutionnelles

Les travaux des historiens et des économistes institutionalistes ont mis en avant le rôle-clé des institutions, ou plutôt leur évolution (D. North)

Au regard de l’histoire, on retrouve souvent la gestion des droits de propriété : de l’invention des brevets en GB en 1624 en passant par le lopin de terre en URSS. Leur gestion anarchique sur le mode mafieux pose généralement des problèmes de développement (Russie, Colombie, nombre de pays d’Afrique)

C’est aussi la dévolution du pouvoir, la lutte contre la corruption, la stabilité des règles. Tout ce qui peut contribuer à tracer un cadre clair donnant plus de prévisibilité aux actions (cf. la mesure du risque pays). L’investissement (IDE ou national) et le développement sont une question de long terme : un cadre institutionnel calme et adéquat ne supprime pas l’incertitude mais rend possible l’évaluation du risque et permet d’entreprendre.

 

Des exemples

 

Le monde arabo-musulman du IX° siècle est sûrement le monde le plus avancée : il sombre dans l’obscurantisme faute de pouvoir se doter d’institutions stables.

 

La Chine après la Grande divergence (K. Pomerantz) et son éclipse depuis le XVI° siècle revient sur le devant de la scène suite aux réformes institutionnelles de D. Xiaoping à partir de 1979 (Conférence sur la Chine, archives de 2012 -2013).

 

Le Japon à la fin du XIX° siècle s’ouvre au monde et débute sa révolution industrielle, certes sous la menace militaire des britanniques et des américains qui lui extorquent des traités commerciaux mais surtout à cette occasion, toute une élite japonaise, groupée autour de l’empereur, prend conscience de tout le parti qu’il y a à tirer de ces contrats forcés avec l’étranger : ils y voient la clé de la modernisation, de l’industrialisation donc de la puissance militaire, seul moyen de laver les affronts de 1854 et 1864. Cela va se concrétiser à travers la révolution Meiji (1868), l’empereur reprend le pouvoir sur les grands propriétaires terriens de la féodalité et le système du Shogunat.

 

En Russie, le tsar Alexandre II ne supprime le servage qu'en 1861 et prolonge cette mesure en 1864 par une réorganisation administrative et juridique de grande ampleur. Les réformes conduites amènent a une croissance qui atteint les scores connus par la Chine actuellement mais les problèmes politiques non résolus ne permettent pas de prolonger le développement.

 

L’ »Allemagne » et l’organisation structurante prussienne par les infrastructures et le commerce

La Révolution française jette les bases de réformes mais la bourgeoisie industrielle et commerçante verra sa révolution confisquée par les forces de la Restauration et mettra du temps à conquérir une position politique en rapport avec son importance économique.

 

L’Afrique, ou du moins sa partie qui progresse actuellement le fait sur la base d’une meilleure gouvernance.

 

3. Les enjeux

Au regard des nombreuses situations d’émergence passées, on a quelques références.

 

A. Les économies émergentes doivent progressivement réorienter leur économie d’un modèle extraverti vers le marché intérieur et le développement plus que la croissance

L’insertion dans la DIT qui a permis le décollage et les taux de croissance forts ne sont pas soutenables indéfiniment.

L’enjeu est la satisfaction des besoins de la population domestique. Progressivement, les exportations servent à financer les importations.

  •  Cela passe par une réorientation de l’appareil productif vers les besoins de la population
  • Cela passe par l’augmentation des salaires en rapport avec les gains de productivité (loi empirique)
  • Cela passe par un niveau d’investissement suffisamment élevé et tourné vers les besoins locaux (infrastructures en particulier) sans qui la croissance ne fait pas le développement***
  • Cela passe par la maîtrise de la montée des inégalités dans les phases d’émergence (Courbe de Kuznets)

 

B. Ces transitions sont très difficiles à gérer : le risque de la « trappe à revenus intermédiaires »

C’est encore bien plus complexe que provoquer le décollage !

Le danger est identifié sous le vocable de « trappe à revenus intermédiaires »

Passer les moments de décollage et les taux de croissance du PIB très importants, on observe que beaucoup d’émergents n’ont pas vu se poursuivre leur développement pour entrer dans le club des pays à revenu élevé. Beaucoup ont vu en effet leur croissance décélérer et se sont enlisés dans ce que la littérature économique appelle depuis quelques années une « trappe à revenu intermédiaire » (middle-income trap). [l’une vers 10000$/ht, l’autre vers 15000$]

 

A la fin du vingtième siècle, la Malaisie et la Thaïlande avaient par exemple réussi à rapprocher leurs niveaux de productivité de ceux atteints par les pays avancés. Ils n’ont toutefois pas su modifier leur modèle de production et d’exportation, très intensif en main-d’œuvre. Or la concurrence s’est parallèlement exacerbée dans la région, avec tout d’abord l’essor de producteurs à faibles coûts comme la Chine et l’Inde ou plus récemment le Cambodge et le Vietnam, si bien que la croissance a fortement décéléré en Malaisie et en Thaïlande.

 

Les ralentissements sont les plus susceptibles de se produire pour les économies ayant des ratios de dépendance élevés, des taux d’investissement élevés qui peuvent se traduire à l’avenir par de faibles rendements et enfin une sous-évaluation du taux de change qui les désinciterait à gravir l’échelle technologique. Les décélérations de la croissance sont en outre moins probables dans les pays où les niveaux d’éducation du secondaire et du supérieur sont élevés et où les produits de haute technologie comptent pour une large part des exportations. Le capital humain de grande qualité et l’innovation réduisent donc la probabilité qu’une économie tombe dans une trappe à revenu intermédiaire.

 

Mais lorsque les salaires augmentent et les gains de productivité basés sur des salaires bas et une main d’œuvre abondante et peu formée ralentissent voir s’épuisent, La croissance économique décélère au moment même où d’autres pays à faible revenu débutent leur industrialisation et s’engagent eux-mêmes dans une phase de croissance rapide.

La Chine se désindustrialise déjà ! La délocalisation intérieure ne fonctionne pas. Des producteurs étrangers trouvent la Chine « trop cher » et cherchent d’autres pays d’accueil. La Chine ne pourra elle-même éviter la trappe des revenus intermédiaires qu’en développant un système d’éducation produisant les travailleurs qualifiés dont nécessitent précisément les employeurs.

L’enjeu est la production de produits complexes, mixant industrie et services dont la distinction n’a plus aucun sens aujourd’hui. Les pays développés sont sur ce plan bien avancés pour fournir ces produits, même si la production de tel ou tel segment est dispersée internationalement dans la chaîne de valeurs.

 

C. Les économies émergentes doivent améliorer la qualité de leurs institutions (cf. §2)

 

 Fin du cours et de l'année