2. Les facteurs clés des émergences « réussies »

Il est possible de dégager quelques stratégies qui semblent avoir mieux réussi que d’autres pour émerger.

A. Une insertion maîtrisée dans la division internationale du travail

Les pays qui ont le mieux réussi ont cherché à s’insérer dans la division internationale du travail (DIT).

1) C’est l’échec des stratégies « d’industrialisation par substitution d’importations »

Priorité aux industries légères en aval, avec remontée jusqu’aux industries lourdes. Il s’agit d’assurer un développement où la production nationale va satisfaire progressivement la demande interne en remplaçant les importations. Il s’agit de changer les structures de la production interne et le type d’insertion du pays dans le commerce international. La dépendance extérieure devrait diminuer, l’économie se diversifier et dégager une balance commerciale équilibrée. La consonance patriotique, voire nationaliste, a du mal à inverser les données économiques. Commencée en Amérique latine dans les années 50, l’ISI s’est propagée vers d’autres régions : l’Asie, Egypte, Maroc, Kenya, Côte d’ivoire, Nigeria.

Problème : le marché intérieur n’est généralement pas assez vaste (effectif d’acheteurs, pouvoir d’achat de ceux-ci) pour absorber la totalité de la production de produits manufacturés courants que l’on est arrivé à mettre en place et pour produire suffisamment de manière à réaliser des rendements d’échelle croissants donc à bénéficier d’économies d’échelle lui permettant d’être suffisamment compétitif. Faire fi des avantages comparatifs a causé l’échec de cette stratégie, au final appauvrissante, et a souvent débouché sur une fuite dans l’endettement.

Le protectionnisme ne règle pas les problèmes et occasionne des pertes de bien-être.

 

2) Les pays émergents suivent plutôt des stratégies d’industrialisation par promotion des exportations

L’industrialisation par promotion des exportations (IPE) consiste à développer le secteur exportateur initial (produits primaires, production de type « pays atelier ») et à affecter les recettes d’exportation au secteur lui-même et aux activités connexes de biens intermédiaires et d’équipement. Une partie des ressources sert également à l’importation de biens de consommation et d’équipement qui ne peuvent être produits sur place. Si cette stratégie est cantonnée aux activités primaires, l’industrialisation ne peut propager ses effets à l’ensemble de l’économie.

 

Cela suppose une ouverture à l’échange international en relation avec les avantages avantage comparatif dont on dispose à un moment donné (matières pemières, main d’œuvre abondante et peu coûteuse)

L’ouverture signifie plus de libre-échange.

 

Mais attention, comme nous l’avons déjà expliqué dans le cours sur les politiques commerciales (Archives de 2011-2012), Le protectionnisme provoque perte de bien-être et appauvrissement. Les mesures protectionnistes sont le fruit d’une demande de protection de certains groupes auprès des pouvoirs publics dans le dessein de s’accaparer une rente (captation de rente). La population n’a aucun intérêt à soutenir ces demandes : elle n’a rien à y gagner.

 

Mais en même temps, le libre-échange n’est pas une politique commerciale optimale : il ne conduit pas à la croissance et à l’élévation des niveaux de vie. Ou du moins c’est le libre-échange tel qu’il est défini habituellement, sous la forme d’un libre-échange concurrentiel, unilatéral.

 

Il s’agit donc ici d’un libre-échange coopératif, négocié, multilatéral tel qu’il essaye d’être mis en place dans le cadre du GATT puis de l’OMC, ou dans le cadre plus restreint mais lié du régionalisme commercial.

Ce n’est pas l’idéal mais le moins mauvais des systèmes d’organisation commerciale. Il suppose rapports de forces, négociation, compromis. Il peut y avoir de bons ou de mauvais compromis.

Le GATT à sa création comportait même des clauses d’exceptions négociées pour les PED, leur permettant avec l’aval des autres partenaires, de maintenir des droits de douane de manière à ne pas tarir les recettes fiscales souvent uniques de certains états.

 

3) Les NPI cherchent généralement ensuite, si la promotion d’exportations réussit, à « remonter la filière » (stratégies d’industrialisation par substitution entre exportations)

L’industrialisation par substitution des exportations consiste à substituer l’exportation de produits manufacturiers à l’exportation de produits de base ou à substituer l’exportation de produits à forte valeur ajoutée à l’exportation de produits à faible valeur ajoutée.

Elle est généralement précédée par la mise en œuvre de l’un des modèles précédents, IPE généralement ou après l’échec de l’ISI et l’obligation d’un changement de stratégie.

 

Exemple : c’est ce qu’ont mené les « 4 dragons », NPIASE :

Dans les années 1950, la Corée du Sud met en place une stratégie de substitution d’importations.

Dès les années 1960, elle passe à la stratégie de promotion d’exportations en produisant et en exportant des produits manufacturés courants pour lesquels elle dispose d’avantages comparatifs affirmés (main d’œuvre peu chère et, en même temps, qualifiée, à niveau de productivité élevé => coûts unitaires faibles) (textile, habillement, jouets : il s’agit de produits assez simples (exemple pour les vêtements : T-shirts, tongs, …) qui concurrencent directement les productions des pays d’industrialisation ancienne

Par la suite, la Corée du Sud fait encore évoluer sa spécialisation : elle poursuit sa stratégie de promotion d’exportations en jouant toujours dans le sens d’une « montée en gamme » des exportations (substitution entre exportations, remontée de filières). Les exportations de produits à plus forte valeur ajourée se substituent à des produits courants : spécialisation sur des produits plus élaborés (automobile, biens d’équipement - semi conducteurs, fibres optiques, nouveaux matériaux, télécommunications, …) ou à des opérations situées plus en amont, de plus en plus complexes. (ex : informatique : simple assemblage des ordinateurs => production de semi-conducteurs => conception et fabrication de logiciels).