b/ Le capital (et les services financiers)

Il y poursuite et intensification du mouvement de libéralisation déjà engagé Remarquez qu’il s’inscrit dans le mouvement général de « globalisation financière ».

 

c) Les mesures d’accompagnement

La mise en place et le fonctionnement du grand marché ne vont pas sans problèmes, à la fois globaux et spécifiques. Ce qui pose le problème de sa « gouvernance » : il a besoin d’être encadré par des mesures publiques tenant compte des intérêts divergents des diverses parties prenantes.

1/ Les règles de fonctionnement

a/ La prise de décision

Il y a de plus en plus de décisions à prendre au niveau européen et ceci par un nombre de membres croissant or la règle de base adoptée à l’origine est celle de l’unanimité : cela amplifie le risque de blocage.

L’acte unique modifie cette règle : la prise de décision se fait désormais à la majorité qualifiée (54 voix sur 76 soit 71 %), chaque pays disposant d’un nombre variable de voix selon sa taille. Restent à l’unanimité les questions fondamentales, c’est-à-dire celles concernant un élément essentiel de souveraineté (libre circulation des personnes, fiscalité, sécurité, adhésion d’un nouveau membre).

b/ Le respect de la concurrence régulée

Au plan interne, la Commission européenne, comme elle l’a déjà fait dans le passé et comme elle continuera de la faire dans l’avenir, examine au cas par cas les projets de regroupement d’entreprises et les aides publiques. Elle cherche à concilier le respect de la concurrence pour ses vertus en termes de protection du consommateur et d’innovation la possibilité pour les grandes entreprises de se développer en ayant la taille critique pour leur marché pertinent.

Au plan externe, la CEE exige la réciprocité : les entreprises des pays tiers bénéficient elles aussi de la mise en place du grand marché : elles diffusent plus facilement leurs produits sur l’ensemble du marché, soit qu’elles les fabriquent sur place, soit qu’elles les fabriquent dans le pays d’origine et les exportent dans la CEE. Il ne faut pas qu’elles profitent du grand marché pendant que leur pays d’origine maintient voire aggrave son dispositif protectionniste à l’encontre des produits européens. La CEE participe donc au mouvement général de développement du libre-échange mais en négocia,t les modalités (libre-échange coopératif).

2/ Les mesures destinées à favoriser la cohérence

C’est d’une part un début timide de souci de cohérence en matière de prélèvements obligatoires (rapprochement de TVA). Mais certains pays, en adoptant une attitude de « moins disant fiscal », arrivent à détourner des ressources et des activités à leur profit (dumping fiscal irlandais, cas des paradis fiscaux).

En matière sociale, le « moins disant social » se voit opposer un principe de socle minimum de droits sociaux : la Charte sociale européenne (1989), affirme le principe d’une protection sociale « adéquate » et de prestations sociales « suffisantes ».

En termes de niveaux de développement, les différents pays ne sont pas prêts à soutenir de façon égale la concurrence. A l’intérieur même des pays, il y une polarisation des activités et des échanges, concentrés sur quelques zones dynamiques et riches et une marginalisation des autres zones. L’élargissement à de nouveaux membres au niveau de vie inférieur à la moyenne de la Communauté ne fait que renforcer le problème. Des aides publiques sont apportées via des fonds structurels : sur le budget communautaire, les États membres décident de prendre en charge tout ou partie du financement des biens collectifs des régions en retard, leur permettant de réaliser un rattrapage : FEDER (Fonds Européen de Développement Régional), FSE (Fonds Social Européen) et le FEOGA (Fonds Européen d’Orientation et de Garantie Agricole) privilégient la modernisation et le développement des infrastructures (ex : transport, rénovation de sites culturels publics d’intérêt communautaire), laissant aux initiatives individuelles le soin de choisir les activités à développer.

La politique régionale est une politique très importante au niveau communautaire.

 

d) Des problèmes persistent

1/ Malgré ces mesures, l’achèvement du marché intérieur reste encore incomplet

Malgré les progrès considérables, il existe encore des obstacles résiduels à la libre circulation des marchandises dus aux normes nationales.

 

Il y a des obstacles résiduels à la libre circulation des Hommes (et donc à l’échange de services nécessitant l’établissement dans le pays où le service est fourni). Malgré la suppression de barrières de nature juridique ou économique, on constate que la mobilité du facteur travail reste limitée. On l’attribue à des obstacles de type culturel : attachement au pays d’origine, différences de modes de vie, mais, surtout, barrière linguistique. On note là une différence nette avec le marché unique constitué par les Etats-Unis : unité en termes de mode de vie, de langue et tradition de mobilité géographique de la population (immigrants, déplacement de la « frontière », …). Les années 2000 feront apparaître un problème que l’on n’avait pas identifié au départ : quel droit du travail appliquer dans les échanges de services ? Pays du prestataire ou pays où de destination de la prestation ? (débats sur la « circulaire Bolkestein »).

 

Ce sont les obstacles monétaires que l’intensification des échanges rend encore plus insupportables. Il y a des coûts improductifs liés à la diversité des monnaies : coûts de change, coûts de couverture contre le risque de change, coût économique de la lutte contre la spéculation (mesures de rigueur pour rassurer les détenteurs de capitaux et calmer la spéculation). Ce constat renforce alors le projet de monnaie unique, complément indispensable du marché unique.

2/ Sur bien des points, on est aux antipodes du projet fondateur de l’Europe : créer des liens, des solidarités

L’harmonisation fiscale décidée dans son principe est mal réalisée dans les faits pour diverses raisons :

  • idéologiques : les pays gouvernés par des équipes inspirées par les idées peu interventionnistes s’opposent au développement d’une législation du travail et d’une fiscalité protectrice et redistributive au plan européen (position constante de la G-B)
  • institutionnelles : il s’agit de domaines pour lesquels l’unanimité est requise, ce qui permet à certains pays de bloquer l’évolution (le problème ne fait que s’aggraver au fur et à mesure que le nombre des pays membres s’accroît)
  • stratégiques : une stratégie de « moins disant » fiscal ou social, manière de se forger des avantages comparatifs qui permette de développer des activités financières (Luxembourg, paradis fiscaux européens [Monaco, Iles anglo-normandes, …]), commerciales (ex l’Andorre) ou industrielles (les plus importantes du point de vue de l’emploi avec des risques de délocalisation).

 

Des comportements de passager clandestin fragilisent l’édifice. C’est le cas de la GB qui exige une réduction de sa contribution au budget européen (paie moins mais profite de la construction européenne), attire les travailleurs étrangers par des prélèvements obligatoires plus faibles mais reportent sur d’autres pays le fait de se faire soigner pour ceux qui le peuvent (Nord et Ouest de la France).

La France attachée aux subventions agricoles fait un casus belli de toute réforme dela PAC, provoquant en retour de nouvelles crispations britanniques (M. Thatcher : « I want my money back »)

 

3/ Les insuffisances du budget européen

Les moyens budgétaires européens sont extrêmement faibles par rapport aux besoins (1.2% du PIB européen). Une grande partie du budget est consacré au soutien des prix agricoles, aux dépens d’autres dépenses plus porteuses d’avenir pour la Communauté.