C. La coopération monétaire des pays membres : la recherche de la stabilité monétaire

1) Les orientations

a) Position du problème au moment de la création de la CEE (1957)

1/ L’idéal, pour un ensemble de pays qui mettent en place entre eux une forte intégration commerciale, est de n’utiliser qu’une seule et même monnaie

a/ En effet, la diversité des monnaies occasionne des coûts supplémentaires

Il s’agit de coûts de transaction liés au change (frais bancaires) et à la couverture du risque de change, qui amputent les profits ou qui obligent à augmenter d’autant le prix des produits.

Ces coûts sont improductifs : ils ne sont pas la contrepartie de la production de biens et de services supplémentaires. Avec une seule monnaie, il serait possible de se procurer le même volume de biens en provenance de l’étranger sans supporter de tels coûts, à prix plus faibles. En attendant, le gain à l'échange issu de l'intégration commerciale est moindredu faits des coûts liés au change dans l'espace qui s'intègre.

b/ Certains ensembles bien intégrés l’ont compris et ont rapidement adopté une monnaie unique qui a favorisé les échanges et donc le bien être des populations (gain à l’échange)

- A la fin du XVIIIe siècle, les treize ex-colonies britanniques d’Amérique du nord s’unissent et adoptent très vite, dans les années qui suivent leur indépendance, une monnaie unique, le dollar.

- Au XIXe siècle, en 1870, la réunification politique des différents États allemands au sein d’un Empire constitué autour de la Prusse, se traduit par l’adoption d’une monnaie unique : le mark. (une étape préalable avait été franchie par l’adoption d’une monnaie commune, le thaler prussien (utilisée en commun à côté des différentes monnaies des États allemands). (= monnaie commune, ≠ monnaie unique).

- En 1932, la mise en place de l’intégration commerciale des pays du Commonwealth à travers le mécanisme de la « préférence impériale » (accords d’Ottawa), est facilitée par la création de la zone sterling (utilisation, par les pays participant aux accords, de la livre comme monnaie internationale).

2/ Le cas de la CEE

En 1957, lorsque les six pays fondateurs de la CEE signent le traité de Rome, la question monétaire n’est même pas évoquée. Vouloir développer les échanges commerciaux entre des pays qui, à peine douze ans auparavant, étaient en guerre entre eux, apparaît déjà comme une entreprise difficile. Par conséquent, on n’envisage même pas, à l’époque, la possibilité d’y ajouter une dimension monétaire, encore plus délicate à mettre en place. Le traité de Rome ne contient donc aucune disposition d’ordre monétaire.

Au bout d’une douzaine d’années, les pays membres constatent que la CEE est une réussite du point de vue des échanges commerciaux (en 1968, l’union douanière est achevée et plusieurs aspects d’un marché commun sont déjà en place). Ils envisagent donc d’aller plus loin dans l’intégration

b) Les orientations (Sommet de La Haye, 1969) : ambition pour le long terme (l’UEM), réalisme pour le court terme

1/ Pour le long terme, l’objectif est la mise en place d’une UEM

Un groupe de haut niveau, placé sous la présidence de P. Werner, Premier ministre du Luxembourg, est chargé de rédiger un rapport sur les moyens à mettre en œuvre pour atteindre une UEM avant 1980. Le groupe Werner présente son rapport final en octobre 1970. Il prévoit la mise en place en dix ans, selon un plan en plusieurs étapes, d'une union économique et monétaire.

En mars 1971, malgré leurs divisions sur certaines recommandations clés du rapport, les Six donnent leur accord de principe sur l'institution d'une UEM en plusieurs étapes. Il faudra trente ans pour y parvenir (01/1999), flottement des monnaies et crise du SMI issu des accords de Bretton Woods (1944) mettant fin au projet.

 

Une Union Économique et Monétaire signifie (UEM) :

  • au minimum, l’adoption, entre les différentes monnaies des pays membres, de taux de change véritablement stables. En d’autres termes, les pays membres renoncent à utiliser entre eux l’arme monétaire (dépréciation-dévaluation) pour régler leurs déséquilibres courants éventuels.
  • à terme, l’adoption de taux de change irrévocables, donc en fait d’une monnaie unique. ce qui implique que chaque pays acceptera un jour de se priver entièrement de la gestion de la politique monétaire (politique monétaire interne + politique du change) pour agir sur la conjoncture nationale, au profit d’une Banque Centrale de l’Union, qui en aura le monopole.

 

Les formes d'intégration économique
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2/ Donc, à court terme, les pays membres de la CEE se fixent un objectif beaucoup plus modeste mais beaucoup plus accessible

Il s’agit de faire en sorte que, sur le marché des changes, même si la stabilité des taux de change entre les différentes monnaies des pays membres de la CEE n’est pas aussi grande qu’on le souhaite, faire qu’au moins, elle soit plus grande que celle que l’on met en œuvre au plan mondial.

Une telle stabilité doit préparer progressivement à l’unification monétaire. On a là un exemple de plus de la stratégie générale adoptée dans la construction européenne : la progressivité, le « gradualisme » (avancée par degrés).