2) La mise en place de la monnaie unique : l’euro (1999)

En 1988, le Conseil Européen (chefs d’Etat et de gouvernement) charge un comité, présidé par J. Delors, ancien ministre des finances du gouvernement Mauroy et alors président de la Commission de la CEE, de proposer un plan conduisant par étapes à une véritable union économique et monétaire.

En 1989, le rapport Delors propose la mise en place d’une union monétaire en plusieurs étapes, par un rapprochement progressif des économies des pays membres (convergence) permettant finalement l’adoption d’une monnaie unique, se substituant aux différentes monnaies nationales.

Ce rapport sert de base aux négociations intergouvernementales qui aboutissent aux accords de Maastricht, en décembre 1991, lesquels débouchent sur la signature du traité de Maastricht, en février 1992, lequel est ensuite ratifié par les différents pays au cours des années 1992 et 1993.

a) Les avantages attendus de la monnaie unique

1/ Approche microéconomique : sur un marché unique, pour remplir efficacement les trois fonctions de la monnaie, une monnaie unique est plus avantageuse qu’une pluralité de monnaies

Comme unité de compte, la monnaie unique fait disparaître des coûts improductifs (recherche de l’information, multiplicité des tarifs, calculs). La concurrence est accrue par le fait que la perception des différences de prix est immédiate. Les consommateurs sont bénéficiaires : les entreprises, pour conserver leurs parts de marché, sont obligées de mobiliser encore plus leurs avantages compétitifs, cela accroît d’autant l’effet de concurrence positif apporté par l’existence du grand marché (gain à l’échange).

Comme instrument de règlement des échanges, la monnaie unique supprime les coûts improductifs liés aux frais de change de change des participants à l’échange.

Comme instrument de réserve de valeur, la monnaie unique fait disparaître des surcoûts liés aux frais de couverture, aux primes de risque de change et aux taux d’intérêt élevés qui en découlent.

2/ Approche macroéconomique : l’existence d’une monnaie unique doit faciliter la conduite de la politique monétaire

a/ Entre pays européens, l’unification monétaire doit permettre de faire disparaître les défauts du SME

La monnaie unique doit libérer la politique économique qui ne sera plus mobilisée par la défense du change (entre monnaies européennes) : il n’y aura plus de marge de fluctuation à respecter. La politique monétaire devra donc pouvoir retrouver son autonomie.

Ainsi, l’asymétrie vis-à-vis de l’Allemagne doit disparaître : avec une seule monnaie gérée par une seule Banque Centrale dont sont membres tous les pays de l’union monétaire, chaque pays est représenté dans les instances de la Banque, ce qui lui permet de participer à la prise de décision. Les mesures de politique monétaire sont donc prises de manière collégiale (chaque pays pèse selon son importance démographique, économique).

 

Remarque*** : chaque pays retrouve une souveraineté monétaire ! On nous a souvent raconté que le passage à l’euro était la perte de la souveraineté monétaire : c’est oublié que nous l’avions perdu depuis longtemps, à l’exception de l’Allemagne.

C’est également la dépendance vis-à-vis des spéculateurs qui doit également disparaître car ils ne peuvent plus jouer une monnaie européenne contre une autre puisqu’il n’y en a plus qu’une seule. Par conséquent, l’orientation de la politique monétaire doit pouvoir ne plus être exclusivement centrée sur l’objectif de « rassurance » des marchés. La contrainte extérieure financière recule voire disparaît.

b/ Réduction des problèmes liés aux relations avec les autres grandes monnaies

La pluralité des monnaies mettait les pays européens en situation de dépendance vis à vis des décisions prises par les Etats-Unis (gouvernement, réserve fédérale, opérateurs privés), comme le montre l’expérience des années 1970 et du début des années 1980.

La conséquence logique de l’unification économique et monétaire doit être une plus grande utilisation de la monnaie unique européenne dans le monde, où le dollar reste encore largement dominant.

 

Remarque importante : la condition pour que la monnaie unique acquière un rôle international important, c’est que l’Europe arrive à se doter d’institutions capables d’un pilotage de sa politique économique et de sa politique extérieure qui ait la même cohérence et la même lisibilité que celle des Etats-Unis. C’est là son point faible essentiel. D’où l’importance du débat sur les institutions et la gouvernance…

b) Le processus d’unification monétaire

Pour les différents pays concernés, adopter une monnaie unique présente des contraintes fortes. D’où la nécessité de ne leur permettre d’entrer dans l’union monétaire que s’ils se sont suffisamment.

Le Traité de Maastricht (1992) créé l’Union européenne : la suppression de l'adjectif « économique» est significative de la volonté de s'acheminer vers une Europe politique. Il comprend deux volets : un volet politique (définition d'une politique étrangère et de sécurité, coopération dans la justice et les affaires intérieures, citoyenneté européenne, renforcement des pouvoirs du Parlement, création d'un Comité des Régions) et un volet économique (création d'une monnaie unique, l'euro).

Globalement, le passage à l'Union économique et monétaire (UEM) comprend trois phases.

  • La première phase (1990-1993) est consacrée à la mise en place du cadre structurel à la réalisation de l'euro: libre circulation des capitaux en Europe, ouverture du grand marché unique, interdiction du financement monétaire des déficits publics. (Rappel : C’est en fait la dernière phase de l’achèvement du Grand marché intérieur suite à l’Acte unique).
  • La deuxième phase (1993-1998) doit permettre le rapprochement progressif des données macroéconomiques des pays candidats : c’est le mécanisme de la convergence. Durant cette deuxième phase, les banques centrales deviennent indépendantes.
  • Au cours de la troisième phase (1999-2002), le système européen des banques centrales (SEBC), comprenant la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales nationales, entre en fonction. La monnaie unique est créée et les parités entre les monnaies européennes sont fixées de façon irrévocable. Au 1° janvier 2002, les pièces et les billets en euros circulent conjointement avec les monnaies nationales qui disparaissent le 1° juillet 2002. Ne subsiste plus alors que l’euro qui se substitue aux monnaies nationales disparues.

1/ En matière monétaire, la solution retenue par le Traité est que chaque pays doit se rapprocher progressivement de la situation des pays les plus performants en matière de stabilité et d’équilibre (« convergence »)

a/ Chaque pays doit converger vers les pays les plus performants

* Le principe de la convergence

La stratégie globale adoptée par le traité de Maastricht repose sur l’idée que la situation des différents pays candidats à l’union monétaire doit se rapprocher de celle des pays qui atteignent le mieux les grands équilibres macroéconomiques qui assurent la stabilité de la monnaie nationale, c’est-à-dire qui leur permettent de ne pas avoir besoin de dévaluer pour résorber des problèmes graves.

Tous les pays candidats doivent « converger » vers ces pays de référence, afin que, le moment venu, leurs monnaies, qui se fondront en une seule, soient toutes des monnaies stables, ou devenues stables. Dans ce cas, aucun pays candidat, ne risquera, par ses déséquilibres (inflation, déficits importants), de déstabiliser l’ensemble ainsi constitué.

 

* Les critères de convergence

Il faut pouvoir vérifier qu’au moment de la mise en place de la monnaie unique, les différents pays candidats réalisent effectivement les performances qu’on attend d’eux, et qu’en particulier ceux d’entre eux qui étaient coutumiers de déséquilibres graves (inflation forte, dévaluations répétées, déficits extérieurs et budgétaires chroniques et importants) ont changé leurs pratiques.

Pour cela, le traité de Maastricht établit 5 critères de convergence, quantifiés, qui permettront de vérifier que la convergence aura été effectivement réalisée.

 

b/ Présentation des 5 critères de convergence que tout pays candidat à la monnaie unique doit satisfaire

* Trois critères directement liés à la politique monétaire et financière

  • Taux d’inflation : il ne doit pas dépasser de plus de 1,5 point le taux d’inflation des trois pays membres ayant le taux d’inflation le plus faible.
  • Taux d’intérêt à long terme : il ne doit pas dépasser de plus de 2 points le taux d’intérêt à long terme des trois pays membres ayant le taux d’inflation le plus faible. (attention, la valeur de référence, ici encore, est le taux d’inflation).
  • Taux de change : le pays doit être membre du SME (il doit avoir adhéré au régime de changes fixes). il doit en avoir respecté les règles : sa monnaie doit être à l’intérieur de la marge de fluctuation depuis 2 ans au moins.

* Deux critères directement liés à la politique budgétaire

  • Déficit budgétaire : son montant annuel ne doit pas dépasser un montant équivalent à 3 % du PIB du pays pour l’année concernée (approche en termes de flux). Si son déficit dépasse ce seuil, le pays doit manifester une volonté nette de le réduire, de le rapprocher de ce taux.

Deux remarques importantes : le traité interdit de recourir à la création monétaire pour financer le déficit budgétaire (éviter tout financement inflationniste). La règle des 3 % prévue par le traité en 1992 sera renforcée en 1996 par la signature d’un pacte de stabilité budgétaire (cf. infra)

  • Dette publique : son encours ne doit pas dépasser un montant équivalent à 60 % du PIB. (encours : montant à un moment donne [approche en termes de stock]). Ici également, si l’endettement dépasse ce seuil, le pays doit manifester une volonté nette de le réduire, de le rapprocher de ce taux.