D. Désormais, les administrations publiques sont en première ligne

Les politiques publiques sont en première ligne face aux évènements : que ce soit en termes de politique économique conjoncturelle face aux effets de la crise, que ce soit en termes règlementaires face aux enjeux de l’organisation des relations financières ou que ce soit face aux effets de la crise sur les finances publiques et la gestion des dettes souveraines.

 

1) Les politiques économiques : un policy mix très expansionniste

a) Politique budgétaire expansionniste

Les Etats ont cherché à soutenir la demande globale par la dépense publique au risque du creusement du déficit budgétaire et de la montée accrue de l’endettement. Le comble est que les agences de notation, qui sont coresponsables de la crise du fait de leur rôle dans la sous-estimation des risques qui a alimenté la bulle financière, viennent en toute impunité dégrader ou menacer de dégrader la note financière des Etats qui, s’ils n’ont pas tous étaient vertueux par le passé dans la gestion de leurs finances publiques, sont dans ces difficultés car ils ont volé au secours de la finance spéculatrice…

A ce jour, personne n’a demandé de compte à ces agences pour leur responsabilité passée.

b) Politique monétaire très expansionniste

Les banques centrales ont inondé de liquidités à bas prix les marchés monétaires pour refinancer les institutions financières, dans un contexte de méfiance entretenue sur les marchés interbancaires.

Cela a donné de l’aisance aux banques : cette masse de liquidités, compte tenu de l’état déprimé de la demande globale, est cependant disponible pour s’investir, ou plutôt se placer, sur de nouveaux actifs supports de manière spéculative au risque d’une nouvelle bulle… : matières premières ?

Cela permet aux spéculateurs également d’attaquer les Etats ou leurs monnaies : c’est le cas par exemple de la Grèce qui, si elle est coupable d’un très grand laxisme de gestion connu depuis des années, subit des attaques spéculatives à crédit. Les fonds sont empruntés à un taux réel nul ou négatif pour être utilisés contre la Grèce et l’euro ou pour être prêtés à la Grèce entre 4 et 6 %...

c) Côté financier, les volontés règlementaires parfois faibles des gouvernants et les lobbies puissants des financiers font obstacle aux réformes

Le peu d’empressement des décideurs politiques face aux lobbies de la finance sont connus : Bâle I, II l’ont illustré. Bâle III pourrait changer la donne s’il n’y avait ce débat sur la notion de fonds propres, surtout en Europe (cf. supra la remarque).

Dans l’Union européenne, la bataille est considérée comme actuellement perdue par les politiques face aux acteurs de la finance qui de façon assez cynique considèrent que la crise est passée.

 

2) Les finances publiques des Etats sont sous pression

a) Vue d’ensemble

Les finances publiques des pays développés sont assez dégradées depuis des années.

Dans la zone euro, il y a un enjeu supplémentaire du fait du fonctionnement « imparfait », ou plutôt « incomplet » de la zone monétaire (manque de mécanismes d’ajustement face à des crises, de solidarité financière en particulier).

 

  • Les finances publiques dans la zone euro étaient dans des situations variables avant la crise : selon les Etats, les critères de Maastricht étaient plus ou moins respectés, que ce soit pour des raisons de difficultés propres ou de mauvaise gestion budgétaire.
  • Les déficits publics se sont creusés avec les politiques anticrises (politiques que peu d’acteurs ont récusées) : soutien de la demande, soutien au système bancaire.
  • Le gonflement des dépenses publiques conjugué aux moindres rentrées fiscales (aggravées parfois par des politiques discrétionnaires d’allègement fiscal ; clientélisme fiscal en France, dumping fiscal en Irlande, etc.) a accru les déficits budgétaires et fait augmenter le stock de dette publique.
  • Certains Etats ont vu leur notation financière dégradée très fortement rendant très coûteux leur financement et les plongeant dans des situations financières très difficiles. Il est encore une fois paradoxal que des agences de notation ayant noté de façon très favorable des actifs qui relevaient quasiment de l’escroquerie aggravent les difficultés des Etats qui ont dû voler au secours du système financier, au-delà de la gestion financière passée de ces mêmes Etats

Notez également que des politiques d’austérité fortes ont été mises en place dans de nombreux pays, que ce soient les pays les plus menacés (Grèce, Irlande, etc.), ou des pays comme la GB : ceci risque d’obérer la reprise de la croissance et de dégrader les finances publiques

 

b) Une tentative de cadrage sur la dette publique

C’est un sujet sur lequel il se raconte n’importe quoi avec énormément d’aplomb. En particulier, un Etat ne se gère pas « en bon père de famille »…

1/ Pour un agent privé et pour l’Etat, le cadre juridique est différent ***

Le cadre juridique pour la prise en compte de l’analyse de la dette d’un Etat est différent de celui pour un agent privé.

  • Pour un agent privé, il est possible de liquider les actifs détenus dans le cadre d’une procédure de faillite. Son horizon temporel est fini.
  • Pour un Etat, l’absence de telles procédures pour les États souverains repose sur le principe de l’intangibilité de l’État et sur l’insaisissabilité des avoirs publics. Son horizon temporel est infini.

Vous devez fuir les raisonnements par analogie avec un budget de ménage ou les comptes d’une entreprise.

 

Ainsi, un Etat peut « fonctionner » avec une dette perpétuelle Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a aucune contrainte pour un Etat : c’est tout le contraire ! C’est la question des conditions de la soutenabilité de la dette publique.