1.  A la bascule des années 1980 : d’une économie d’endettement à une économie de marchés financiers

A la bascule des années 1980 se met en place une deuxième mondialisation financière (Il y avait déjà eu une première mondialisation contemporaine de la fin XIX° à la 1°GM, financière en particulier) qui prépare le lit de la crise actuelle, même si des crises financières ne sont pas une nouveauté dans l’histoire.

 

A. Le financement des économies de 1945 aux années 1970 : « l’économie d’endettement »


1) À la sortie de la deuxième guerre mondiale, les économies occidentales sont marquées par une intervention forte de l’État dans le domaine financier

Les activités financières sont encore très encadrées (réglementations) à la suite d’expériences malheureuses :

  • À l’intérieur des frontières : spécialisation bancaire, compartimentage des activités

- Les faillites bancaires de la fin du XIXe siècle => spécialisation bancaire,
- Les déboires financiers des années 1920 (=> règlementation : exemple : New Deal (Glass-Steagall Act aux EU en 1933, spécialisation bancaire)

  • Au plan international : les capitaux ne circulent pas librement d’un pays à l’autre : il existe une réglementation contraignante des mouvements de capitaux non monétaires et des mouvements de monnaie (contrôle des changes)

 

Le financement des activités privilégie le financement bancaire (financement bancaire, « intermédiation bancaire ») sur lequel l’emprise de l’État est forte : « financement administré » (= poids des réglementations, impact direct de la politique monétaire [effets directs des taux de la Banque Centrale sur la distribution du crédit)

 

L’intermédiation bancaire est obligée par rapports aux autres voies de financement (autofinancement ou recours aux marchés financiers)

 

2) Dès les années 1950 et 1960, ces modalités de financement font l’objet de critiques, d’où l’amorce de mutations

Le financement par intermédiation bancaire est encouragé (effet de levier, améllioration de la rentabilité financière)

Mais il est l’objet de quelques critiques visant à son évolution

  • À l’intérieur : à titre d’exemple, en France

- Déspécialisation bancaire : réforme Debré 1967
- Projet de modification de la politique monétaire : critique du réescompte (rapport Marjolin, 1969) pour des procédures moins administratives et plus flexibles pour mieux s’adapter aux évolutions des comportements financiers

  • Entre pays : assouplissement progressif du contrôle des changes, des mouvements internationaux de capitaux

 

3) Dans les années 1970, la critique change de nature

Dans les années 1970, la critique change de nature et les tenants d’une intervention publique limitée, qui sont de plus en plus influents, intensifient leurs critiques de la situation et préconisent une accélération du mouvement de libéralisation.

  • Dans le domaine microéconomique : la réglementation brime les choix individuels (elle empêche de faire les choix optimaux, fausse les calculs – voir Théorie de l’offre, critique de la réglementation)
  • Au plan macroéconomique : le financement interemédié :

- Pourrait favoriser la création monétaire : risque inflationniste. Or l’inflation est de plus en plus considérée comme le déséquilibre le plus grave.

- N’encouragerait pas l’épargne

 

"L’économie d’endettement",  selon les termes de J. Hicks,  est un système critiqué, paré peut-être un peu rapidement, de tous les maux.

 

Rappel : l'économie d'endettement est un système financier où prédomine la finance indirecte, sous la forme d'un financement par le crédit.

  • Celui-ci suppose l'intervention d'un processus d'intermédiation financière et l'établissement de relations bilatérales individualisées entre les banques et leurs clients.
  • Les banques prennent un risque de crédit après l'avoir évalué et financent les opérations dont elles anticipent favorablement le résultat.
  • Le crédit constitue ainsi le principal mode de financement de l'activité productive. Même lorsque les entreprises ont par leur dimension un accès au marché des valeurs mobilières, la faiblesse du taux d'autofinancement implique le recours complémentaire au crédit.

C’est dans ce contexte-là que les transformations se produisent.

 

B. Les firmes bancaires subissent trois chocs concomitants

Dans le contexte précédemment présenté, trois chocs affectent les banques : choc de demande, choc réglementaire, choc technologique.

 

1) Les banques sont soumises à un « choc de demande » : les agents leur demandent de répondre à de nouveaux besoins


a) L’épargne des ménages change de formes sous l’impact de deux facteurs

Lutte contre l’inflation et vieillissement démographique transforment la demande des épargnants aux banques qui voient leur activité modifiée et réagissent en développant des acticités de marché.

 

1/ La volonté de lutter contre l’inflation à la fin des années 70 : la désinflation comme objectif

La crise des 70’s est marquée en particulier par une inflation de crise mais les politiques économiques restent généralement focalisées sur l’objectif de plein-emploi avec le début de la montée du chômage.

C’est des Etats-Unis que va venir le changement d’objectif, changement qui va se diffuser rapidement à l’ensemble des pays à partir de la fin des années 70.

a/ Le facteur décisif : le revirement de la politique monétaire aux Etats-Unis

À l’origine de ce revirement : l’aggravation de la crise du dollar (1978) et l’élection de R. Reagan (1981)

  • L’aggravation de la crise du dollar (1978) : il se déprécie depuis 1971 (fin des changes fixes du système de Bretton Woods crée en 1944)
  • L’élection de R. Reagan à la présidence des Etats-Unis : Ronald Reagan, qui menait déjà une politique néolibérale, de révolution conservatrice (mais pas libérale !) comme gouverneur de Californie, arrive à la Maison Blanche avec un programme économique de désengagement de l’État (déréglementation)

 

La nouvelle politique monétaire des Etats-Unis : J. Carter nomme à la tête de la FED un monétariste convaincu Paul Volcker (=> priorité à la lutte contre l’inflation, et recul du rôle de l’État => donne une impulsion aux premières mesures de dérèglementation.)

 

Conséquence des premières mesures de politique monétaire hyper restrictive : l’envolée des taux d’intérêt dans un contexte inflationniste.

Par conséquent, les banques sont refinancées peu et très cher

  • Elles augmentent leurs taux débiteurs à la clientèle, freinant le crédit et l’activité économique
  • Les épargnants demandent des taux créditeurs plus élevés pour placer leur épargne
  • Les taux d’intérêts court et longs sont poussés à la hausse, dans un contexte début 80’s de crise de surendettement de nombreux pays en développement.

 

Conclusion partielle :

  • Au total, on note que les Etats-Unis drainent l’épargne mondiale facilement, attirée par les taux.
  • La désinflation est puissante : il faut dire que la récession provoquée par la thérapie monétariste a provoqué une récession historique pour l’économie américaine, au point que le Président Reagan prend rapidement des mesures de relance fortes, sans embarras idéologique.

b/ La contagion rapide au reste du monde

Les nouvelles orientations américaines (hausse des taux d’intérêt et libéralisation financière) se généralisent. Il y a une contagion de la hausse des taux d’intérêt, courts comme longs, au reste du monde.

La hausse des taux nominaux se double avec la désinflation d’une hausse des taux réels.

 

La désinflation se diffuse de fait et l’objectif de prix stables s’impose (jusqu’à aujourd’hui) : il va modifier les comportements des agents économiques.